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dans l’enseignement classique, ils savent que c’est là une science précise qui interroge les monumens et les œuvres d’art au même titre que la littérature étudie les prosateurs et les poètes, pour retrouver les formes de la pensée antique. L’Allemagne compte au moins vingt-deux chaires réservées à cet enseignement, nous en avons deux en France. Il n’y a pas de connaissance de la plastique grecque et romaine sans musée de moulages. Chaque université possède le sien, et tous ont des catalogues qui sont les histoires de l’art les plus simples et les plus sûres. Depuis longtemps, des hommes d’une haute autorité, — il suffit de rappeler M. Vitet, — demandent en vain cette création peu coûteuse et si utile ; M. Ravaisson y insistait dernièrement ici même[1]. La mythologie hellénique est restée une science allemande malgré les tentatives entreprises chez nous par quelques esprits d’élite qui n’ont pas eu de disciples. — Ce n’est un secret pour personne que, dans les grandes bibliothèques de l’Europe, les nationaux qui étudient les manuscrits, c’est-à-dire les sources, sont d’ordinaire moins nombreux que les Allemands. On peut voir ce qui en est dans les salles de la rue Richelieu, surtout pour les ouvrages grecs et latins. Cette année, au Vatican, on comptait tous les matins dix Allemands pour deux Français, et ce n’était pas nous qui avions toujours le privilège de copier les documens relatifs à notre propre histoire. Quant au sortir de l’école un jeune homme veut se consacrer à une des parties de l’érudition classique, c’est aux manuels allemands qu’il faut l’adresser ; que serait l’archéologie sans les livres d’Ottfried Müller et de vingt autres ? Où apprendre l’épigraphie latine, si ce n’est dans le recueil d’Orelli et d’Henzen ? Pour les mœurs, les usages des civilisations grecques et romaines, des résumés comme ceux de Bekker et d’Hermann sont des guides indispensables. Enfin les choses sont à ce point que presque toujours nous devons demander à nos voisins nos instrumens de travail, — et cela n’est pas vrai seulement de l’antiquité classique. Le monde roman, qui nous appartient à tant d’égards, a été envahi lui-même par ces ouvriers étrangers ; nous sommes forcés de traduire leurs travaux, par exemple la grammaire de Diez ; ils ont plus de chaires pour ces langues, sœurs ou mères de la nôtre, que nous n’en comptons en France.


II.

L’état des hautes études dans les deux pays s’explique surtout par les méthodes qu’ils suivent dans l’enseignement secondaire. En

  1. Voyez la Revue du 1er  mars 1874.