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précises, nous ne trouverions ni moins d’ouvriers, ni moins de bon vouloir.

Les hauts traitemens que l’Allemagne donne à la science ont le privilège d’être souvent rappelés dans les considérations sur l’état des études. Ils contribuent fort peu aux progrès des recherches érudites. C’est le propre de ces sortes d’occupations qu’on ne s’y applique pas pour le bénéfice qu’elles donnent ; par là surtout elles sont par excellence libérales, c’est-à-dire affranchies de tout servage qui en diminue la dignité. Les beaux travaux mènent en Allemagne aux honneurs ; il en est de même en France : ceux qui les font les commencent dans la jeunesse, qui est la période d’énergie, de lutte et souvent de privations. À y regarder de près, les honoraires élevés dans les universités d’outre-Rhin sont assez rares. Du reste ce ne sont pas les maîtres seuls qui travaillent, c’est tout le monde. Un régent de seconde ou de troisième publie souvent un livre qu’un professeur émérite, haut dignitaire et conseiller privé, n’hésiterait pas à signer. Si on prenait un à un les grands érudits de l’Allemagne et de tous les pays, on verrait dans quelle médiocrité presque tous ont vécu. Il est tel d’entre eux, connu de toute l’Europe, qui s’est contenté toute sa vie d’un revenu de 1,000 écus. C’est à ce prix que sont payés d’ordinaire ces belles éditions savantes qui demandent dix années d’application. Peut-être serait-il plus vrai de dire que les habitudes de la vie quotidienne chez les Allemands leur rendent plus faciles certains travaux qui exigent une longue patience. Dans une petite ville de province, le maître s’enferme avec ses livres ; il travaille de cinq heures du matin à midi, dîne à une heure, se promène et reprend sa tâche jusqu’au souper. Quelques réunions de professeurs où chacun cause de ses études, ou même ne parle pas du tout, quelques fêtes de famille plus calmes encore, ne sont pas des distractions dangereuses. Les séances du soir à la brasserie et à la société close ou offrent un repos complet, ou, si la tête y est un peu prise, procurent une réaction physique, qui, dans l’opinion d’Allemands très distingués, est d’une bonne hygiène. Si utile aux études que soit pour nos voisins cette manière de vivre, on ne peut guère espérer que les Français en comprennent jamais tous les charmes.

Il est vrai, comme on le répète souvent, et non sans quelque désir de rendre ce reproche très dur, que l’Université de France a reçu en grande partie ses programmes de la compagnie de Jésus, et ne les a même modifiés que lentement ; mais c’est après la révolution que le consulat est revenu à ces méthodes ; nous n’avions alors aucune raison de sympathie particulière pour cet ordre religieux ; si nous lui avons emprunté ses habitudes d’enseignement, c’est qu’à