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L’usage de sceller avec des gemmes fut général au début de la monarchie française ; il s’est continué exceptionnellement par fantaisie particulière jusqu’à l’époque de la renaissance, où il reprit une faveur universelle. Ces sceaux fournis par les pierres gravées forment comme la transition de la glyptique à la sigillographie. Ce sont des pierres gravées, enchâssées dans des bagues du temps ; on y a inscrit une légende appropriée à leur nouvel emploi. Parfois la pierre est encastrée dans une matrice de sceau dont elle occupe soit le centre, soit quelque autre place. Les sujets qu’offrent les intailles ainsi employées sont assez variés pour que la dactyliographie doive ne pas les négliger. On connaît un bon nombre de pareils sceaux, et les Archives nationales n’en possèdent pas moins de deux cents. Plusieurs d’entre eux ne remontent pas au reste à l’antiquité, et sont de simples imitations de camées grecs ou latins, en sorte que, suivant la judicieuse remarque de M. le marquis L. de Laborde, la gravure des sceaux doit être regardée comme la continuation de la glyptique des anciens, de même que les monnaies des barbares ont été la grossière imitation des médailles grecques et romaines. Un des sceaux de Pépin le Bref présente une tête de Bacchus ou de Silène. L’image de Jupiter Sérapis servait de sceau à Charlemagne, et une tête d’empereur romain se voit sur le sceau de Pépin Ier, roi d’Aquitaine. On a même continué de sceller avec ces belles têtes de Jupiter et de Bacchus, avec ces gracieuses fables de Léda et de Ganymède, dit l’auteur que je viens de citer, alors qu’on gravait déjà à leur imitation des sceaux qui dès la fin du XIIe siècle devinrent eux-mêmes des chefs-d’œuvre.

Le sceau ne fut plus nécessairement l’empreinte de l’anneau ; on fit usage d’une matrice fabriquée tout exprès, et l’expression sigillum prit alors la place du mot annulus, qui avait longtemps servi en France à désigner le sceau. Cette substitution date de l’époque des derniers Carlovingiens. On voit toutefois le mot annulus reparaître encore sous Louis VII. Le latin sigillum donna naissance au français seel, saiel, saiau, scel, sceau, à l’anglais seal, à l’allemand siegel. On employa pour sceller des matrices d’or, d’argent, de cuivre, de fer, d’étain, d’acier, quelquefois même d’ivoire ou de pierre fine. Cette dernière matière fut plutôt adoptée par nos rois pour leur sceau privé ou signet. Charles V scellait les lettres qu’il écrivait avec un rubis d’Orient, portant la tête d’un roi imberbe. Les matrices des sceaux des rois étaient souvent d’or, comme l’avait été l’anneau sigillaire des empereurs. De ce métal était l’anneau de Childéric Ier découvert dans son tombeau à Tournay en 1653, avec des médailles et des abeilles également d’or[1]. Il existe

  1. Ce sceau fut volé au cabinet des médailles avec d’autres objets dans la nuit du 5 au 6 novembre 1831.