Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/907

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à sceller en l’absence du grand sceau ; mais l’ordonnance du h mai 1358 ne permit de sceller du sceau secret que les lettres closes, qui sont devenues depuis si célèbres sous le nom de lettres de cachet. Louis XI réserva aux lettres de finance l’emploi du sceau privé. La plupart des ducs, des anciens comtes, des chevaliers de la haute noblesse, avaient, aux XIIIe et XIVe siècles, de petits sceaux ou signets pour les expéditions des affaires ordinaires. Le plus ancien sceau secret des rois de France que conservent les Archives nationales est celui de Philippe le Bel ; il porte la date de 1312, et représente un lion dans un trilobé avec les lettres initiales du mot signet. Au XIVe siècle, le roi de France envoyait au chancelier, dans une enveloppe scellée de son sceau secret, les pièces qui devaient être scellées du grand sceau. Outre ce dernier, véritable sceau de l’état, on fit aussi usage, à partir de Philippe de Valois, d’un sceau destiné à le remplacer, et qui était qualifié pour ce motif de sceau ordonné en l’absence du grand sceau, ou encore de sceau commun ; on s’en servait pour des affaires particulières, pour des expéditions de moindre importance. Il y eut de la sorte plusieurs sceaux royaux, et le chancelier fut le garde, non pas seulement du sceau, mais des sceaux. Divers rois capétiens ont eu deux grands sceaux ; on possède deux sceaux secrets de Philippe de Valois, quatre de son fils le roi Jean, six sceaux différens de Charles VII. Quand un prince réunissait sous son autorité plusieurs royaumes ou des provinces ayant chacune une complète autonomie, il y avait parfois des sceaux différens pour chacun d’eux. C’est ainsi que Charles VIII eut un sceau spécial pour le royaume de Sicile, François Ier des sceaux distincts pour le Dauphiné et le Milanais.

Les grands feudataires confiaient, comme les rois, la garde de leur sceau à leur chancelier. Les chapitres, les abbayes, les universités, donnaient aussi à garder leur sceau à celui de leurs dignitaires qui portait pareil titre. Dans chaque juridiction, il y eut un garde-scel. Les maires tenaient le sceau de la commune. Le sceau royal spécial que Philippe-Auguste avait institué dans les villes principales de ses états pour valider les transactions passées avec les Juifs était déposé entre les mains de deux prudhommes, qui veillaient à ce que les contrats par eux enregistrés et scellés ne fussent pas usuraires.

C’était, on le comprend par ce qui vient d’être dit, une fonction très sérieuse que la garde d’un sceau, une charge tout à fait effective. Les chanceliers ne se séparaient jamais des clés du coffre où les matrices des sceaux de leur souverain étaient renfermées. Maître Roger, vice-chancelier du roi d’Angleterre Richard Ier, ayant péri dans un naufrage près de l’île de Rhodes, on trouva le sceau royal suspendu à son cou. Les chevaliers, les bourgeois, portaient de même le moule de leur sceau avec eux. Les maires suspendaient