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La belle peinture qui représente les trois Grâces se retrouve trait pour trait dans le célèbre tableau de Raphaël, les Trois Grâces, dont les copies sont nombreuses et les reproductions innombrables. Chez Raphaël, les figures sont moins grandes que dans la peinture du musée de Naples, mais c’est la même composition, les mêmes attitudes, les mêmes formes, les mêmes expressions. C’est aussi la même grâce et le même charme. Il ne faut pourtant pas se hâter d’accuser le Sanzio d’avoir copié la fresque, car cette antique ne fut découverte qu’en 1760 ; mais au temps de Raphaël il y avait dans une église de Sienne le fameux groupe antique des Trois Grâces. Sans doute les Siennois prenaient ces trois Grâces pour les trois Vertus théologales, de même qu’aujourd’hui encore les Romains croient faire leurs dévotions à saint Pierre en s’agenouillant pieusement, dans l’église de Saint-Pierre, devant une statue de bronze de Jupiter Capitolin. Quoi qu’il en fût, si Raphaël ne pouvait connaître la peinture des Trois Grâces, il connaissait à coup sûr le groupe de marbre. Or la peinture de Pompéi, le groupe de Sienne et le tableau de Raphaël sont identiques. On doit donc croire que la peinture est une imitation, faite par un peintre campanien, du groupe de marbre qui devait plus tard être imité par Raphaël. Comme composition, ces trois œuvres ne se distinguent entre elles que par des dissemblances à peine appréciables ; mais, chose tout au moins singulière, le tableau se rapproche certainement plus de la peinture antique, que Raphaël n’avait jamais vue, que du marbre de Sienne, qu’il connaissait bien. C’est que le génie du peintre est différent du génie du sculpteur. Raphaël, en faisant un tableau d’une statue, a appliqué les procédés mêmes qu’un peintre campanien avait employés quinze siècles auparavant.

On ne saurait ne pas s’arrêter devant deux rares spécimens de la peinture archaïque trouvés à Pœstum. L’un, la Mort de Patrocle, semble imité de la grande sculpture du fronton du temple d’Égine ; l’autre, qui est comme une frise peinte, représente de forts et beaux jeunes gens, armés et vêtus dans le style du célèbre Soldat de Marathon et des guerriers grecs figurant sur les plus anciens vases. C’est une sorte de procession d’hommes armés ; quelques-uns d’entre eux sont à cheval. Par leur crinière dure et courte, leur large encolure, leurs formes ramassées, les petits chevaux qu’ils montent rappellent ceux de la frise du Parthénon.

Le plus souvent, c’est moins la valeur intrinsèque de l’œuvre que le sujet ou les circonstances de la découverte qui la font célèbre. Les Noces aldobrandines, la peinture antique la plus connue, sont bien inférieures à la Dircé, au Sacrifice à Diane, à la Pasiphaê du musée du Vatican, au Thésée, à l’Achille, aux Trois Grâces,