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presque invulnérable. On ne pouvait le tuer que s’il était à terre ; aussi cherchait-on surtout à atteindre son cheval. Voilà pourquoi, dès le commencement du XIIIe siècle, on couvrit l’animal de mailles de fer ou d’une épaisse draperie. Sur les sceaux équestres, on distingue toutes les pièces du harnachement : selle, mors, bride, étrier, poitrail ; mais c’est principalement la housse, qui cache d’ordinaire ce dernier harnais et qu’on appelait couverture pourpointe, qui a été figurée. Dès son apparition, au commencement du XIIIe siècle, elle porte le blason du chevalier et prend d’énormes proportions. Quand l’usage des cimiers, c’est-à-dire des panaches et ornemens surmontant le heaume, fut adopté, le cheval reçut le sien. À partir de l’année 1267, on voit sa tête décorée d’aigrettes, de bois de cerf, de figures d’animaux ; à la fin du XIIe siècle, la monture avait déjà son armure de tête, où les seigneurs aimaient à déployer la plus grande magnificence ; le chanfrein fut habituellement armé d’une crête et d’une pointe.

Les modifications auxquelles les monumens sigillographiques nous font assister pour l’armure, nous les pouvons constater également dans le costume civil ; mais la série qu’ils nous offrent est ici moins complète, car les seigneurs ont préféré se montrer sur leurs sceaux dans l’appareil militaire, et ce n’est guère qu’à la fin du XIVe et au XVe siècle qu’ils se font parfois représenter dans un costume qui est plutôt celui de cérémonie et de tournoi que des batailles.

L’habillement civil que nous rencontrons çà et là sur les empreintes est surtout un costume d’apparat, comme celui que l’artiste donnait sur leurs sceaux aux rois de France, non le vêtement ordinaire du personnage. Nous n’observons qu’accidentellement celui-ci sur les monumens sigillographiques, et, pour connaître les modes de chaque époque, il faut principalement recourir à la sculpture, à la peinture sur verre ou sur manuscrit, aux indications tirées des chroniques et des chartes. C’est ce qu’a fait M. Jules Quicherat dans le curieux et piquant ouvrage qu’il imprime en ce moment sur l’Histoire du costume, et où le public retrouvera toute l’originalité et l’érudition qui recommandent les leçons de l’éminent archéologue à l’École des chartes. L’histoire du costume est un sujet plus sérieux qu’il ne le paraît de prime abord. Les changemens dans la façon de s’habiller et la manière de disposer les vêtemens ont été sans doute souvent l’effet de la fantaisie, le résultat d’une imitation capricieuse ; mais ils ont été dus aussi à certaines influences générales dont la connaissance se lie à celle des conditions morales et physiques de la société. Le vêtement est, sinon dans ses détails, au moins dans ses formes principales, le reflet des habitudes et du genre de vie. Ce n’est pas seulement sous le rapport de l’élégance et du goût qu’on en doit étudier les transformations,