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on peut suivre chronologiquement les changemens qui se sont produits dans son aspect. C’est ce que l’on fera par exemple à l’aide des trois sceaux de la ville d’Arras qui s’échelonnent du commencement du XIIIe siècle au XVIe. Comparons les deux sceaux de l’officialité de Cambrai ; ils représentent l’un et l’autre la cathédrale de cette ville ; mais sur l’un, qui date de 1211, le style de l’édifice est roman, sur l’autre, qui date de 1324, il est gothique. Le rapprochement de ces deux sceaux prouve donc que, durant le laps de temps qui sépare la première date de la seconde, la cathédrale avait été reconstruite suivant le nouveau goût.

À la différence des monnaies antiques, des médailles et médaillons exécutés depuis la renaissance, les sceaux n’offrent guère de représentations d’événemens proprement historiques, d’images plus ou moins abrégées, de ces grands faits qui jalonnent l’histoire : batailles, conférences diplomatiques, réunions d’assemblées politiques, proclamations de souverains, solennités publiques, mort de tel ou tel grand personnage. Les sceaux de quelques conciles nous présentent seuls la vue d’assemblées sinon politiques, du moins ecclésiastiques. On y voit les pères du concile assis et réunis pour décider quelque question de foi ou de discipline, sous l’inspiration du Saint-Esprit, dont l’image plane au-dessus de leurs têtes, ainsi que nous l’observons sur des sceaux des conciles de Constance et de Bâle. Cette colombe, emblème de l’Esprit-Saint, nous la retrouvons sur le sceau d’Henri VIII, roi d’Angleterre, qui prétendait à l’infaillibilité des conciles. Elle surmonte la tête du monarque anglais, figuré assis sur son trône, entre les images de la justice et de la vérité, images moins fidèles assurément que celles qui se voient au bas du même sceau, et qui nous montrent des prélats et des seigneurs prosternés aux pieds d’Henri VIII. Le sceau de la république d’Angleterre de 1651, qui porte au droit la carte des îles britanniques, représente à son revers une séance du parlement. C’est bien là le sceau dont la chambre des communes votait l’exécution le 8 février 1649 ; il nous fournit la seule image sigillographique d’une assemblée politique que nous connaissions. Sur le large champ du sceau, l’artiste a représenté les membres du parlement à leurs places, le chapeau sur la tête, assis à droite et à gauche du président qui siège sur une chaise élevée. Devant lui et un peu au-dessous se voient les deux secrétaires écrivant à une table ; du côté droit, un orateur parle debout en gesticulant. Au nombre des représentations historiques, on pourrait encore citer le meurtre de Thomas Becket qui figure sur un sceau du chapitre de Cantorbery ; mais c’est là un événement qui appartient autant à l’hagiographie qu’à l’histoire ; c’est un martyr qu’on a entendu représenter, et ce sceau doit rentrer dans la catégorie de ceux du type légendaire.