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des menuisiers qui rabotent les planches, les génies des cordonniers qui parent le cuir, les génies des tisserands qui filent le chanvre.

Où les peintres de Pompéi et d’Herculanum étaient passés et sont demeurés maîtres, c’est dans la peinture purement décorative. Leur féconde et capricieuse imagination a créé là tout un monde factice et miroitant de villas idéales, d’architectures fantastiques, de paysages d’outre-terre et d’horizons invraisemblables, à flore inconnue et à faune chimérique, où l’on voudrait vivre. Sur ces grands panneaux, enduits des couleurs les plus vives et les plus variées, depuis le rouge-brun, le vermillon, le pourpre, le lie de vin, le noir-vert, le noir-bleu et le noir-bronze jusqu’au jaune d’ocre, au jaune d’or, au blanc de l’ivoire et au blanc de la laine, leur pinceau a couru librement, n’ayant d’autre guide que la fantaisie. Ici, c’est un gracieux hémicycle de marbre rose émergeant d’une mer céruléenne ; là, c’est un édifice compliqué, avec portiques superposés, frontons s’étageant à perte de vue, colonnades interminables, hauts escaliers, tours, columbarias, pavillons, balustrades, piédestaux supportant des statues. Les triglyphes, les perles, les rangées de palmettes et d’acanthines, s’incrustent sur toutes les surfaces planes, de même que les algues, les varechs et les fucus s’attachent aux roches sous-marines. Dans d’autres peintures, les plus capricieuses arabesques se tordent comme des serpens, se contournent comme des volutes, fléchissent comme des lianes, grimpent comme des volubilis, pendent comme des stalactites. À des guirlandes de fleurs, longs festons multicolores, grimacent des masques comiques. Homards, lamproies et raies nagent au fond d’une mer transparente. Des paons, au plumage changeant, picorent une énorme grappe de raisin, tandis que des hirondelles rasent la terre et que deux coqs combattent. Une table disparaît presque sous la masse de fruits dont elle est surchargée. Dans une mare s’ébattent des canards ; au milieu d’un bois sautent des chèvres. Il y a des paysages et des marines, des prés qui verdoient et des mers qui moutonnent.


III.

Peintures d’histoire, peinture de genre, peintures décoratives de ce musée, on peut retrouver là presque toutes les écoles modernes, sinon à leur apogée, du moins dans leur principe, leurs moyens d’exécution et leurs aspirations. Il y a les musculatures excessives de Michel-Ange, les formes nobles et les compositions simples de Raphaël, les tons ambrés et la vénusté du Corrège, les tons rouges du Giorgione, les contours secs de David, les ombres portées violemment