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à la convention. Le gouvernement de la reine, en présence de cette déclaration, fit savoir aux commissaires français que le projet d’arrangement ne pouvait avoir de suites, que la sanction du parlement de Saint-Jean était indispensable aux négociations, et qu’il se reconnaissait impuissant à modifier l’opinion si hautement manifestée par ce parlement. Le gouvernement français se plaignit que la révision d’un traité dont les signataires avaient été l’Angleterre et la France fût soumise au bon vouloir d’un parlement étranger, et fit observer en même temps que l’établissement du régime parlementaire à Terre-Neuve ne pouvait dégager la métropole de ses engagemens avec nous. En résumé, cette tentative de conciliation n’avait eu d’autre effet que de mettre en pleine lumière les sentimens hostiles de la législation locale à l’égard de nos pêcheries et son influence prépondérante sur les décisions de l’Angleterre.

Quelle était, au milieu de ces pourparlers sans résultats, l’attitude de notre division navale à Terre-Neuve ? Chargée de faire respecter nos droits, que faisait-elle, alors que, sous ses yeux, on les violait ouvertement ? Sa situation n’était rien moins que facile. Tantôt elle recevait pour instructions de ménager les pêcheurs anglais, de fermer les yeux sur les contraventions, d’éviter en un mot toute cause de mésintelligence entre les deux pays ; c’est ainsi que, pendant la guerre de Crimée, nos croiseurs durent s’abstenir de toute surveillance effective. En d’autres circonstances, généralement à la suite d’une négociation rompue, on semble recourir à des mesures de rigueur pour faire rentrer nos pêcheurs dans le libre et plein exercice des droits que leur attribuent les traités. Nos officiers ont alors pour ligne de conduite de porter partout l’alarme, d’annoncer pour la saison prochaine une répression sévère de tous les abus. Les effets se faisant toujours attendre, les résidens s’inquiètent peu de ces menaces, et, si l’on s’en émeut, c’est à Saint-Jean, puis à Londres. Pendant la campagne de 1858, les riverains anglais sont prévenus par nos capitaines que tout exercice de pêche leur sera formellement interdit l’année suivante, et c’est alors que le cabinet de Saint-James, effrayé par les conséquences que peut entraîner une pareille mesure, met en avant la proposition d’une enquête parlementaire à Terre-Neuve, proposition agréée à Paris. Le soin de cette enquête fut confié à une commission mixte qui se réunit sur les lieux le 1er mai 1859. La France était représentée par M. le capitaine de vaisseau de Montaignac de Chauvance, commandant la division navale de Terre-Neuve, et par M. de Gobineau, premier secrétaire d’ambassade. Les délégués de l’Angleterre étaient M. Kent, remplissant l’office de colonial secretary de Terre-Neuve, et M. le capitaine Dunlop, commandant le Tartare.

Les commissaires des deux nations inspectèrent en commun les