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central, poursuivant son but, brusque des élections par lesquelles il prétend légaliser ses usurpations, en constituant une commune parisienne, dernier mot de la victoire du 18 mars. Le 28 cette commune s’inaugure avec une solennité grotesque. L’insurrection, après avoir été un instant étonnée et embarrassée de ses propres avantages, se sent poussée par ses violences mêmes. Elle s’enhardit et se prend au sérieux. Elle distribue des galons, et avec d’obscurs séides de l’Internationale ou de toutes les conspirations, elle fait des généraux, — Eudes, Duval, Bergeret. Elle organise militairement la garde nationale groupée par légions. Maîtresse de Paris, des remparts, des forts du sud que l’armée a été obligée d’abandonner, elle songe enfin à poursuivre sa victoire en allant disperser assemblée et gouvernement à Versailles. On crie maintenant : à Versailles ! comme on criait : à Berlin ! au début de la guerre avec l’Allemagne.

Chose frappante cependant, c’est au sein même du succès le plus inespéré que l’insurrection commence à laisser voir son impuissance. Évidemment, si elle avait pu ou si elle avait su profiter des premiers jours pour marcher sur Versailles, elle aurait eu plus de chances ; elle eût peut-être bien embarrassé le gouvernement et l’assemblée, qui se retrouvait le 20 mars au rendez-vous qu’elle s’était donné en quittant Bordeaux. L’insurrection avait heureusement perdu près de quinze jours. Que s’était-il passé pendant ce temps à Versailles ? Il est certain que la retraite de la nuit du 18 avait été triste, peu rassurante, et même, dans la confusion de ces heures difficiles, dans l’empressement qu’on avait mis à rappeler toutes les troupes, sans excepter les garnisons des forts, on avait laissé un instant le Mont-Valérien presque abandonné. Toute la journée du 19, la grande citadelle était restée sous la garde de chasseurs à pied désarmés et indisciplinés, qui avaient été envoyés là par punition, que le commandant supérieur prenait sur lui d’éloigner par prudence. Ce n’est que le 20 au matin qu’un régiment plus solide, le 119e de ligne, sous le colonel Cholleton, arrivait au fort. Dès lors il n’y avait plus rien à craindre, les bataillons de Paris, qui se présentaient quelques heures après, croyant prendre possession de la citadelle, trouvaient à qui parler ; ils auraient été peut-être plus embarrassans s’ils s’étaient présentés la veille. Ce premier moment passé, et le Mont-Valérien remis en sûreté, tout avait commencé à s’améliorer à Versailles. Tandis que l’insurrection était encore à se débattre avec les difficultés intérieures qu’elle rencontrait, l’armée de Versailles, prudemment dégagée de la fournaise où elle avait failli disparaître, n’avait pas tardé à se remettre un peu. La première pensée des chefs militaires avait été d’organiser la défense extérieure et intérieure de la ville. La brigade