Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que soit ce nom, il n’est pas seulement une illustration militaire, il suppose des institutions, une politique. Il est la trêve des partis, dit-on à tout propos. C’est le régime des hommes modérés de toutes les opinions, a dit plus d’une fois M. le président de la république lui-même. Rien de mieux. C’est bien là en effet la raison d’être du septennat, ou il n’en a aucune. Garantir au pays l’ordre et la sécurité, travailler à l’apaisement des passions, réunir toutes les bonnes volontés dans l’œuvre réparatrice que la France est loin d’avoir accomplie jusqu’au bout, écarter tous les calculs secondaires et les petites tactiques pour gouverner par la prédominance de l’intérêt national sur tous les intérêts de partis, c’est là sûrement un rôle assez sérieux et assez élevé. Comment peut-il remplir ce rôle de haute et impartiale conciliation qui serait justement son originalité ? Il ne le peut que par l’appui des institutions, par une organisation suffisante d’abord, puis par une politique qui serait l’opposé d’une politique de parti. Que lui demande-t-on au contraire ? que veut-on faire de lui ? On s’ingénie si bien à l’alambiquer, à vouloir le distinguer de tous les autres régimes, qu’on finit par en faire une chose qui effectivement ne ressemblerait à rien. On lui réserve le rôle, la brillante fortune de représenter dans le monde non pas même un parti, mais les forces négatives, les regrets, les répugnances de deux ou trois partis, — d’être le conservateur des chances et des espérances de ces deux ou trois partis par lesquels on le condamne à vivre et avec lesquels il ne peut pas vivre. On dirait qu’on a toujours peur de lui donner un caractère trop sérieux par des institutions réelles, efficaces, dont il serait le couronnement ou le complément, et, sans aller jusqu’à cette prorogation septennale de l’assemblée, imaginée pour échapper à la difficulté, on va d’un autre côté au même résultat en voulant constituer la coexistence de toutes les compétitions de partis et d’un pouvoir mal défini dans un provisoire auquel on s’efforce de ne donner que furtivement le nom de république. Il faut pourtant bien en venir au fait. Des hommes sérieux qui se disent conservateurs ne peuvent proposer à un pays d’attendre le bon plaisir des partis, avec un gouvernement réduit à vivre d’un prestige tout personnel ou de négociations incessantes, de laborieux efforts d’équilibre, au milieu d’une incohérence maintenue par calcul ou par impuissance.

Une chose apparaît bien clairement. La majorité, qui a fait la loi de prorogation septennale, n’existe plus. On ne s’est plus entendu le jour où l’on a voulu aborder l’application, les développemens pratiques de cette loi par une organisation constitutionnelle réclamée et promise. Le faisceau parlementaire, formé dans une équivoque, s’est disjoint aussitôt. Maintenant, la prorogation de l’assemblée elle-même étant écartée, il faut choisir, il n’y a plus que deux partis : aller droit à une dissolution en laissant au pays le dernier mot d’une crise trop prolongée, ou trouver une majorité nouvelle décidée à voter une organi-