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dynastie nouvelle avec une scrupuleuse fidélité et incapables de l’immoler à leur ambition, assez courageux pour faire une révolution, assez forts pour la régler, assez habiles pour la faire reconnaître de l’Europe et la mettre sous sa tutelle. Parmi ces fondateurs de la monarchie belge, aucun n’a joué un rôle plus important que Sylvain de Weyer. Membre du gouvernement provisoire, ministre des affaires étrangères, il prit part à toutes les négociations de la conférence de Londres ; il représenta le gouvernement du roi Léopold Ier en Angleterre pendant toute la durée de son règne. Nous allons essayer de raconter une vie qui fut mêlée aux plus grands événemens en nous aidant des écrits de van de Weyer lui-même, d’une biographie de M. Th. Juste, et en puisant dans les souvenirs d’une longue amitié nouée par la parenté et entretenue par de communes affections.


I

Sylvain van de Weyer naquit à Louvain le 19 janvier 1802 ; il fut élevé en Hollande, à Amsterdam ; à l’âge de neuf ans, il vit Napoléon Ier faire son entrée triomphale dans cette ville ; à onze ans, il fut témoin du soulèvement des Hollandais. Molitor se retira de la ville que Napoléon appelait fièrement la troisième de son empire. Witzingerode y entra derrière lui, proclama l’indépendance des Provinces-Unies et rappela le prince d’Orange. Ces événemens ramenèrent van de Weyer à Louvain, où il acheva ses études et se fit recevoir docteur en droit. Il fut, à l’âge de dix-neuf ans, nommé bibliothécaire de la ville de Bruxelles et conservateur des manuscrits des ducs de Bourgogne. Il édita en 1825 les œuvres d’Hemtershuis. La philosophie était alors son étude favorite, et il semblait que rien ne devait venir troubler une vie consacrée au travail et à l’étude ; mais déjà, et presqu’à l’insu de l’Europe, la Belgique était travaillée par des besoins nouveaux d’indépendance. Van de Weyer ne se donnait pas tout entier à la philosophie, il étudiait aussi l’histoire de son pays. Il savait que l’union entre les provinces bataves et les provinces belges n’avait jamais été profonde ; l’ancien comté de Flandre s’était toujours brisé en deux parts. Tandis que les Pays-Bas bataves soutenaient encore la lutte contre l’Espagne, les Pays-Bas belges laissaient une à une tomber leurs armes ; le prince de Parme les ramenait habilement sous la domination espagnole. Qu’était-ce que cette union d’Utrecht, l’ouvrage heureux de Guillaume d’Orange ? C’était l’adieu de la Hollande à la Belgique. On ne fait pas aisément violence à la nature, aux mœurs, aux instincts d’une race : la foi protestante avait trouvé ses citadelles dans les îles, les terres basses enveloppées d’eaux et de digues ; la foi