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faut le dire pourtant, on pouvait difficilement prévoir alors que les passions religieuses, si affaiblies et si impunément outragées pendant plus d’un siècle, retrouveraient bientôt assez de force pour déchirer les ouvrages politiques construits avec le plus d’art, car, en regardant les choses de haut et de loin, la querelle de la Belgique et de la Hollande fut surtout une querelle religieuse.

L’esprit d’indépendance nationale y eut d’abord peu de part ; van de Weyer semble le confesser. « Si la maison d’Orange n’eût pas considéré la Belgique comme une proie et ne l’eût pas épuisée d’impôts pour faire face à l’ancienne dette de la république batave,… si le fanatisme de protestant du roi Guillaume contre une religion qu’il flattait en public, qu’il faisait attaquer en secret, ne l’eût ensuite poussé dans des voies d’injustice et de persécution, en un mot, si les conditions du traité de Londres n’eussent pas été pour lui une lettre morte, et le peu de garanties que renfermait la constitution autant de pièges tendus à la bonne foi de ses sujets, il y aurait eu peut-être moyen, malgré la diversité des mœurs, de langue et de religion, d’opérer une fusion lente entre des peuples si différens. » Il serait oiseux aujourd’hui de raconter les griefs de la Belgique. Le mal était de ceux que ni les constitutions, ni les lois ne guérissent. Quatre millions de Belges n’avaient pas plus de représentans aux états-généraux que deux millions de Hollandais. La plupart des places allaient aux derniers. La presse était persécutée, van de Weyer se fit connaître en plaidant deux fois pour M. de Potter, qui dirigeait le Courrier des Pays-Bas, l’organe de l’opposition belge ; il défendit aussi à Gand l’éditeur du journal le Catholique, car libéraux et catholiques étaient à ce moment coalisés dans une pensée d’indépendance nationale. Van de Weyer, à qui on avait enlevé sa place de conservateur des manuscrits de Bourgogne, ne voulait pourtant pas de révolution ; il se contentait de réclamer des libertés pour son pays. Il quitta la rédaction du Courrier des Pays-Bas après la publication d’un article violent sur la conduite privée du prince d’Orange. Déjà les événemens se précipitaient : la révolution de juillet 1830 n’ébranla pas seulement la France ; des émissaires se répandirent en Belgique. On criait dans les rues de Bruxelles : « Imitons les Parisiens ; » le drapeau brabançon fut déployé ; on brûla la maison du ministre impopulaire van Maanen, on saccagea la maison d’un journaliste ministériel. On effaça, on abattit partout les insignes de la royauté.

Il n’y avait pas eu de résistance contre ce soulèvement ; mais le prince d’Orange s’approcha de Bruxelles avec 6,000 hommes de troupes royales. Les notables de la capitale, assemblés le 28 avril à l’hôtel de ville, avaient nommé une députation, dont van de Weyer faisait partie, pour porter au roi les doléances de la Belgique. Van