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des empereurs, des rhinocéros et des éléphans combattre dans ses cirques ; son roi ne lui apparaîtrait plus, aux jours des entrées solennelles, qu’entouré de la pompe des souverains asiatiques.

Le gouvernement portugais avait défendu, sous peine de mort, l’exportation de toute carte marine qui indiquerait la route de Calicut. Le secret de cette découverte ne fut pas cependant si bien gardé que le reste du monde n’en apprît quelque chose. Voici ce qui commençait à transpirer en Europe dès l’année 1502 : « Le cap de Bonne-Espérance, figuré jusqu’alors sur la côte d’Ethiopie, était en réalité situé 10 degrés au sud du tropique du Capricorne, par 35 degrés environ de latitude australe. Au-delà de ce cap se trouvaient le commencement de l’Asie, l’Arabie-Heureuse et les états du prêtre Jean. L’Afrique était séparée de l’Asie par le Nil. Pour se rendre dans l’Inde, il fallait laisser ce fleuve à sa gauche. Sur la côte, qui s’étend du Cap à la Mer-Rouge, s’élevaient des villes riches et commerçantes ; les Arabes y avaient établi depuis longtemps des comptoirs. » L’itinéraire, on en conviendra, était encore bien vague ; ce qui ne l’était pas, ce fut ce renseignement important, qu’Améric Vespuce obtenait à la même époque de l’indiscrétion d’un marin portugais : l’Inde elle-même n’était pas la patrie des épices, elle n’en était que l’entrepôt. Chaque année arrivaient sur la côte de Malabar des navires d’une énorme grandeur, des jonques, ainsi nommées parce que le jonc remplaçait le chanvre dans la confection de leurs voiles, le fer dans la construction de leur coque. Plus loin que Sumatra et Ceylan, plus loin même que la Chersonèse-d’Or, existaient les Moluques, ces îles que Ptolémée avait groupées autour de la Taprobane. Quant aux états du grand-khan, à cet immense empire dans lequel, au témoignage de Marco Polo et de Nicolo di Conti, « les provinces étaient des royaumes, les fleuves des avenues bordées de deux cents villes, le gouvernement l’apanage des hommes les plus lettrés, » on ne les entrevoyait qu’à demi voilés par les brames d’un horizon qui semblait reculer sans cesse devant les caravelles venues du cap de Bonne-Espérance. En fallait-il davantage pour exciter le grand navigateur qui avait découvert les Lucayes, Haïti, Cuba, la Jamaïque, les Antilles, les bouches de l’Orénoque, à ne pas se lasser a de chercher l’Orient par l’Occident ? » La lice était ouverte. On verrait bien qui pourrait arriver le premier au Cathay et à la patrie des épices, — al nacimiento de la especeria.

Vicente-Yanez Pinzon venait de débarquer au cap Saint-Augustin, d’explorer l’immense estuaire du fleuve qui devait porter un jour le nom de rivière des Amazones ; il avait traversé le golfe de Paria, pénétré dans celui du Mexique. Un autre Espagnol, Rodrigo de