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fait autre chose que supprimer un obstacle. Comme il appartient à un ensemble de créatures réunies en société, il faut bien, tout en plaignant son sort, lui appliquer les règles d’une responsabilité sociale ; quant à la responsabilité morale, la société n’a pas le droit d’en parler. Qu’elle frappe, mais qu’elle se taise.

Les théories très diverses qui, en transformant, parfois même en déguisant à force de science et de subtilité les vieilles erreurs du matérialisme, sont arrivées à de tels résultats, ont été ici même l’objet d’un examen approfondi. Il n’est pas nécessaire de rappeler aux lecteurs de la Revue la belle et lumineuse étude de M. Caro sur la responsabilité morale et le droit de punir dans les nouvelles écoles philosophiques[1]. Nous voulons seulement signaler un livre qui nous semble tout rempli de pièces justificatives à l’appui de ses hautes doctrines. Notre collaborateur a discuté avec force toutes les objections qu’on oppose au droit de punir ; l’histoire du droit de punir est précisément le sujet de l’ouvrage dont il s’agit. Les premiers volumes, publiés il y a une quinzaine d’années, ont été annoncés à cette date par un écrivain que la mort nous a enlevé dans la force de l’âge et du talent[2]. M. Louis Binaut, avec son goût des antiques traditions, son culte des origines sacrées du genre humain, avait été singulièrement frappé de toutes les richesses que renferme ce livre, de tant de faits, de renseignemens, d’idées, sur les commencemens du droit pénal dans toutes les civilisations. Il sentit qu’il y avait là comme les premières assises d’une œuvre considérable, il félicita l’auteur d’avoir poussé sa laborieuse investigation jusque vers la fin du moyen âge, et déclara que pour l’étude de l’histoire sociale, la seule qu’il eût envisagée, on y trouverait beaucoup de secours. Aujourd’hui les dernières parties viennent de paraître ; l’œuvre entière est devant nous ; elle ne forme pas moins de sept volumes. Si l’auteur, M. Albert Du Boys, pressé sans doute par la crainte de ne pas arriver au terme d’une si vaste entreprise, n’avait pas cru devoir publier l’une après l’autre les différentes. sections de son ouvrage en variant les titres et les sous-titres, l’unité du livre apparaîtrait aujourd’hui avec plus de précision. Il faut un certain effort pour relier ces fragmens. En réalité, c’est une histoire universelle du droit pénal chez les peuples anciens et modernes que M. Du Boys a eu l’ambition d’écrire ; mais, si la pensée de l’ensemble est manifeste, la disposition des matières ne paraîtras y répondre suffisamment. Il y a un enchaînement général qui fait défaut. On dirait les matériaux d’un monument plutôt que

  1. Voyez la Revue du 1er août 1873.
  2. Voyez la Revue du 1er août 1859.