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emploi dans le service de la monnaie ? ON conçoit qu’il y aurait là une étrange manière de poser sa candidature aux fonctions publiques ; ce beau système aurait pour principal effet l’encouragement au crime. Ce serait précisément le contraire de l’amendement moral. Comparez à ces étourderies philanthropiques du XVIIIe siècle la préoccupation chrétienne du XIXe. Un des meilleurs passages du rapport de M. d’Haussonville est celui où il peint les difficultés de l’aumônier dans ses rapports avec le peuple des prisons. Voilà un spectacle que les âges précédens n’ont pas connu : au milieu des plus misérables créatures, le prêtre dévoué, compatissant, le représentant de celui qui rachète et qui relève ! Nous ne parlons pas du prêtre qui aide le condamné à bien mourir ; jamais, dans les siècles vraiment chrétiens, les consolations religieuses n’ont manqué aux hommes qui les ont demandées. Nous parlons du secours constant, de la consolation de tous les jours et de toutes les heures, nous parlons du ministre de Dieu attaché à cette œuvre de la régénération du coupable. Au XVIIe siècle, lorsque Bourdaloue écrit sa belle Exhortation sur la charité envers les prisonniers, il ne s’occupe que des secours matériels, du soulagement des maux physiques, et tout en jetant ce noble cri : « Pour être criminels, ne sont-ce pas toujours des hommes ? » il ne paraît pas se souvenir que la charité, soit publique, soit privée, doit s’intéresser par-dessus tout à l’amendement du misérable. On voit bien par ce discours même que certaines personnes y pensaient ; Bourdaloue signale des hommes « capables de paraître ailleurs avec honneur, » et qui se rendaient en quelque manière « plus prisonniers que les prisonniers mêmes, vivant au milieu d’eux, traitant sans cesse avec eux, ne quittant les uns que pour se transporter auprès des autres, leur tenant lieu à tous de pères, de tuteurs, de patrons, d’amis, de confidens, d’agens, surtout d’apôtres et de maîtres en Jésus-Christ. » Ce ne sont là toutefois que des actes individuels, et des actes si extraordinaires que le hardi prédicateur n’ose pas les proposer en exemple au commun des fidèles ; à plus forte raison n’ose-t-il concevoir l’idée d’une institution qui assure la pratique régulière de ce grand devoir social.

La pensée religieuse du XVIIe siècle était donc incomplète sur ce point comme la pensée philanthropique du XVIIIe était irréfléchie ; le XIXe siècle a transformé en devoir public ce qui n’était qu’une vertu d’exception dans l’ancien régime, et, en continuant les traditions généreuses du siècle de Turgot, il les a rectifiées par des doctrines plus hautes. Voilà un sérieux progrès, mais à quel prix est-il acheté ? Il faut voir dans le rapport de M. d’Haussonville combien tous ceux qui travaillent à l’amendement du condamné ont de