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abandonnés portaient à leur doigt des bagues d’argent, insigne d’un haut commandement dans les tribus. On sut plus tard que le chef du clan des Boutans et son fils avaient péri, et qu’indépendamment des douze morts laissés sur le lieu de l’action, les barbares avaient eu encore trente tués ou blessés.

Cet engagement heureux eut pour résultat immédiat de faire affluer au camp bon nombre d’indigènes des villages voisins ; afin de s’attirer l’amitié et la protection des envahisseurs, ces Formosiens prudens leur apportèrent du poisson de mer et de l’eau-de-vie de patate douce, recherchée des soldats. Le 28, six chefs de tribus vinrent également offrir leur soumission ; ils l’accompagnèrent de présens en volailles et en bestiaux. On leur promit de ne pas les inquiéter, s’ils refusaient un asile aux Boutans en déroute, condition qu’ils se hâtèrent d’accepter ; un mois après cette escarmouche, la situation dans le sud de Formose était des plus satisfaisantes pour les Japonais. Poursuivant leur marche en avant, ils avaient occupé Hong-kiang et Hialao, villages habités par des Chinois à peu près cosmopolites. La pêche et le bois à brûler, dont de gros chargemens descendent vers l’intérieur sur des charrettes à buffles, semblent être le principal commerce de ces Asiatiques, qui vivent aussi indépendans du gouvernement chinois que leurs redoutables voisins. Les nerfs et les cornes de cerfs sont également exportés par eux dans une certaine proportion, et le riz qu’ils cultivent a la réputation d’avoir le grain plus blanc et plus beau que celui récolté dans les autres parties de l’île. Craignant que les sauvages ne vinssent se réfugier chez eux, ces Chinois ont offert aux Japonais de leur fournir des vivres en échange d’une protection efficace. Ces derniers ont donc aujourd’hui à Hong-kiang et Hialao une petite garnison ; malheureusement, un soldat ayant dans ces derniers temps violenté une femme mariée, et aucune punition n’ayant été infligée à l’agresseur, une grande réserve règne aujourd’hui entre la troupe et les habitans. C’est un fait fâcheux pour les Japonais, et ils auront à le regretter plus d’une fois, car depuis lors on remarque dans les marchés du village l’absence des principaux détenteurs des denrées indigènes.

Le 1er juillet, trois colonnes fortes chacune de 500 hommes, marchèrent dans des directions différentes à la conquête des dernières positions occupées par les Boutans. Ceux-ci, retranchés dans de petites huttes en feuillages, reçurent les Japonais par un feu assez vif de leurs fusils à mèche ; mais la furia des assaillans ne put être arrêtée un seul instant par ces mauvaises armes. Consterné, démoralisé, l’ennemi prit enfin la fuite, et cette fois pour ne plus reparaître. Aujourd’hui encore il est difficile de savoir ce qu’il est