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réussir, plus ils sont près des déceptions par les réactions qu’ils provoquent. Depuis quelque temps ils ont semblé sentir ou subir la nécessité d’une certaine modération relative. Ils avaient si bien réussi l’an dernier par l’élection de M. Barodet à Paris, cette brillante campagne avait des effets si décisifs, si foudroyans, qu’ils en étaient quelque peu ébranlés, et ils se sont soumis à une pénitence temporaire. Ils ont eu la prudence ou l’habileté de s’effacer à temps, de laisser les affaires de la république en d’autres mains. Ils ont un moment presque fait illusion à ceux qui étaient intéressés à les encourager dans ces bonnes dispositions.

Malheureusement les radicaux s’accoutument difficilement à la discipline, ils ont des passions, des ambitions, des procédés, qui ne tardent pas à reparaître. Ils s’abandonnent à leur naturel, et au moment où un peu de tact politique serait le plus nécessaire, ils recommencent en détail dans les départemens, ils sont peut-être tout près de recommencer à Paris, à propos du renouvellement du conseil municipal, l’élection de M. Barodet. Dans la Drôme, ils vont tirer de l’oubli un revenant de 1848, M. Madier de Montjau, qui, sous prétexte d’orthodoxie radicale, commence par enchaîner la souveraineté nationale à la république de ses rêves de vieux montagnard. Dans l’Oise, bien qu’il y eût déjà un candidat représentant la république modérée, ils ont mis en avant ou ils ont soutenu avec âpreté M. André Rousselle, qui a eu un rôle assez équivoque au 31 octobre pendant le siège de Paris, et qui dans tous les cas s’est donné pour le représentant de la démocratie extrême. Le résultat a été aussi clair que possible. Ni le candidat modéré de la république, ni le candidat radical n’ont été élus, et une majorité considérable est allée au candidat bonapartiste, à M. le duc de Mouchy, qui a, il est vrai, une grande position de fortune dans la contrée. Que ceux qui ont de l’esprit et un peu d’habitude de la politique dans le parti radical sentent parfois le danger de ces entraînemens, qu’ils comprennent les fautes auxquelles ils se laissent associer, rien n’est plus vraisemblable ; mais c’est là justement le caractère du radicalisme. Les chefs ne sont pas écoutés, ils n’ont d’autorité qu’à la condition de se soumettre ; ils reçoivent des mandats impératifs et des mots d’ordre. Ils craindraient de se brouiller avec la foule qui les élit ; ils suivent le mouvement au lieu de le diriger. Que les chefs du parti radical se demandent cependant quelle eût été leur position, si l’an dernier ils eussent hardiment résisté aux meneurs obscurs qui préparaient l’élection de Paris, qui imposaient une candidature de hasard. Ils eussent peut-être échoué, c’est possible, ils n’auraient pas empêché cette extravagante aventure, soit, mais le lendemain leur autorité eût été certainement bien autre. Leurs résistances, leurs conseils, se seraient trouvés justifiés par l’événement même, et dans tous les cas ils auraient montré qu’ils entendaient être des guides, non les complaisans des passions