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pourtant de plus sincères alliés dans les rangs des républicains conservateurs que dans le parti bonapartiste, n’eut plus qu’une pensée : resserrer par tous les sacrifices possibles, même ceux qui répugnaient le plus à ses intimes sentimens, l’union entre toutes les fractions de l’ancienne majorité, et continuer à leur tête ce gouvernement de combat qui n’a jamais trop distingué, en frappant ses coups, la république conservatrice de la république radicale. Nous ne savons si de plus grandes concessions à ses douteux alliés eussent assuré une bien longue vie à son ministère. Ce qu’il faut dire à son honneur, c’est qu’une telle manière de vivre ne lui suffit pas. Il précipita sa chute, avec pleine conscience du danger, en faisant une question de cabinet de la discussion immédiate de la loi électorale.

Les chefs du centre droit ont-ils enfin compris qu’il n’y a plus rien à faire avec cette ancienne majorité, que des défections inévitables dans l’extrême droite et le groupe bonapartiste réduisent de plus en plus à une minorité, avec cette majorité qui se perd ou se retrouve à l’occasion, suivant les convenances des uns et les passions des autres, mais qu’on ne retrouvera jamais pour achever l’œuvre du septennat ? Nous le désirons vivement pour le gouvernement du maréchal de Mac-Mahon. Il y a pour ce gouvernement une assiette plus digne et, quoi qu’on dise, plus sûre qu’une majorité de coalition, qui a du reste fait son temps : c’est la solide et large base d’une majorité formée non pour ajourner ou entraver, mais pour faire l’œuvre nécessaire et urgente, s’il en fut. Avec une pareille politique, ce n’est plus l’équivoque qui rallie une majorité, c’est l’explication franche, c’est la déclaration nette, c’est l’habitude de dire toujours et à tous ce que l’on pense et ce que l’on veut. Utopie et naïveté ! diront les habiles, qui ne liront peut-être pas ceci sans sourire. C’était la politique de l’illustre Casimir Perier. Il est vrai qu’il faut pour y réussir quelque chose de son grand sens et de son indomptable volonté. Il était digne d’un duc de Broglie de se souvenir de cette situation et de cet exemple. Tout le monde, pourra-t-on me répondre, n’a pas le tempérament de Casimir Perier. Est-il bien sûr d’ailleurs qu’avec un tel tempérament on eût raison d’une situation tout autre et bien plus difficile que celle que domina le grand caractère du ministre de Louis-Philippe ? Nous en convenons volontiers, la situation actuelle est unique et n’a peut-être pas d’analogue dans notre histoire. L’assemblée, si elle veut réellement faire quelque chose de sérieux avant de se dissoudre, a pour mission d’organiser un gouvernement dont le titre lui déplaît, sur la base du suffrage universel, dont elle a lieu de se défier. Casimir Perier n’avait point à fonder un gouvernement ; il n’avait qu’à le diriger dans la voie qui lui semblait la meilleure, avec le concours d’une majorité qu’il savait ne pas lui manquer. Pour cela, il n’était besoin que d’un coup d’œil juste et