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bonapartistes, qui, au lendemain de nos malheurs, osent relever un nom qu’on devait croire à jamais enseveli dans le désastre de Sedan, avec le concours de maires nommés par M. de Broglie dans un excès de zèle conservateur. Les républicains sont plus sages à l’endroit du septennat ; est-ce à dire qu’ils soient plus contens, quand ils voient s’abriter derrière le gouvernement du président de la république des candidats qui n’ont au fond d’autre pensée que de nous ramener l’empire ?

On nous dira encore que les auteurs du septennat avaient prévu que, si les partis ne désarmaient pas, le pays, qui travaille, qui souffre et qui veut vivre, ne les suivrait point dans cette mêlée furieuse, et qu’il finirait par leur imposer son impérieux besoin de repos. Quant aux partis eux-mêmes, s’ils ne voulaient pas accorder cette trêve de Dieu au pays fatigué et malade de ses blessures encore saignantes, le gouvernement du septennat aurait la force et la volonté de leur faire mettre bas les armes et de les enfermer dans le respect de la loi. Voilà précisément la grande difficulté avec un gouvernement qui n’est que provisoire aux yeux de tous. Un gouvernement définitif seul peut se défendre par les armes de la légalité, et quand nous parlons de gouvernement définitif, on sait bien que nous n’entendons le dérober ni à la révision ni à une sanction légale quelconque de la souveraineté nationale ; mais sous un régime provisoire comment empêcher légalement de préparer un régime définitif, en restant dans les limites de la loi, et même en protestant de son attachement plus ou moins sincère au septennat ? M. le ministre de l’intérieur a pu déclarer qu’aux termes d’un décret de l’assemblée l’appel au peuple est factieux. Ce sentiment honore, à nos yeux, le ministre qui n’a point oublié la grande résolution de Bordeaux ; mais il est plus facile de faire une déclaration qu’un acte. Et quand même on ferait cet acte de vigueur, est-il sûr qu’un jury quelconque ou même un tribunal n’acquitterait pas les délinquans ? D’autre part, espérer que le pays, agité par tous les partis, travaillé par toutes les propagandes, conservera son calme au milieu de tout ce bruit, c’est ne pas connaître un peuple comme le nôtre, qui, ne se croyant pas suffisamment gouverné, ne tardera pas à demander un vrai gouvernement, surtout un gouvernement fort. Or on sait comment s’appellent ces gouvernemens et de quelle famille ils sortent. Les progrès du bonapartisme, qui effraient avec raison royalistes constitutionnels et républicains, ne sont-ils pas dus en grande partie à cette cause ?

Quel avenir pour le septennat ainsi compris, si nous en jugeons par le présent ? Voilà ce beau temple de la paix publique transformé en une cage étroite où les partis qu’on voudra y enfermer au nom de la loi n’en lutteront pas moins avec une violence qui l’ébranlera plus d’une fois, si même elle ne la fait pas voler en éclats. Et si