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des partis qui savent la manier et la pétrir, qui peut nous dire qu’il n’en sortira pas encore un jour tout ce qui fait peur ou horreur aux gens honnêtes et sensés, l’anarchie, la commune ou l’empire, surtout l’empire, qui aura toujours pour lui les plus gros bataillons, sans compter la bourgeoisie, qui ne l’aime ni ne l’estime, mais s’y résigne, comme à un gouvernement fort et protecteur de ses intérêts menacés ?

S’il en est ainsi, la question change d’aspect. Ce n’est plus un problème de philosophie politique qu’il s’agit de résoudre ; c’est une question de politique pratique et d’ordre social. Le scrutin de liste, excellent en soi, sans danger pour un corps électoral éclairé, pour un corps de censitaires par exemple, peut-il rassurer, non pas ces conservateurs affolés que rien ne rassure, si ce n’est le despotisme, mais cette classe de conservateurs qui n’ont point une absolue confiance dans les lumières et la sagesse de notre démocratie ? Nous en doutons, et nous comprenons que de ce côté on cherche les moyens les plus propres à la garder de ses impressions et de ses entraînemens. On dit l’ancienne majorité très perplexe et très divisée sur ce sujet. Cela pourrait étonner de la part d’hommes qui se croient les seuls vrais conservateurs de l’assemblée. Ce serait voir bien en petit les choses que de supposer à quelques-uns la pensée de conserver leur siège au futur parlement. Non, c’est l’avenir du parti conservateur tout entier qu’ils avaient en vue quand ils défendaient le scrutin de liste. Ils songeaient à cette grande coalition des partis monarchiques, seule capable de triompher du radicalisme, qui est pour eux le dernier mot des idées républicaines. Y songent-ils encore après la chute du ministère de M. de Broglie, après les récriminations et les défections des purs de la droite, après l’attitude arrogante du parti bonapartiste ? C’est ce que l’on verra dans la prochaine discussion de la loi électorale. Si M. Chesnelong et ses amis persistaient encore à compter sur le concours désintéressé de ce parti aux élections futures, il leur faudrait une bien forte dose d’optimisme en présence de cette audacieuse affirmation de ses prétentions et de ses espérances. En tout cas, les conservateurs du centre droit et même de la droite doivent rendre justice à la prévoyante politique et à l’impartiale sagesse des hommes qui ont attaché leur nom à la loi électorale présentée le 20 mars 1873, et particulièrement au vote par arrondissement. Ceux-ci n’ont pas demandé s’ils servaient en cela tel parti, s’ils déplaisaient à tel autre ; ils n’ont vu que l’intérêt conservateur, non pas l’intérêt d’un parti, profondément engagé dans le débat. Et vraiment quand on voit, après tant d’autres services rendus à la même cause, des hommes comme M. Thiers, M. Dufaure, M. de Rémusat, inscrire un tel acte de conservation dans ces lois constitutionnelles qu’on