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les travaux des cathédrales à des architectes de Paris. La résidence ne serait cependant pas sans avantage ; elle permettrait à l’architecte de veiller constamment sur les édifices confiés à ses soins, d’en réparer les dégradations au fur et à mesure qu’elles se produisent, au lieu d’attendre, pour y porter remède, qu’elles aient pris de dangereuses proportions. Ce ne serait pas là tout le profit. Le séjour sur les lieux donnerait aux architectes ce qui leur manque souvent, la connaissance de l’histoire, des traditions, des légendes locales, toutes choses qui d’ordinaire sont intimement liées à nos grandes églises, et dont l’intelligence n’est pas inutile à leur restauration. Une cathédrale en effet n’est pas seulement un monument d’histoire générale, c’est en même temps, c’est avant tout le monument d’une province, d’un diocèse ou d’une ville. C’est aux annales locales, aux annales légendaires ou historiques, que se rattachent nombre de statues et de bas-reliefs, de tombes et d’inscriptions, de peintures et de vitraux dont, le sacrifice ou l’altération dépouille souvent nos églises restaurées d’un de leurs principaux intérêts et d’un de leurs plus grands charmes.

Les architectes diocésains ont un droit de tant pour 100 sur les travaux qu’ils dirigent, et ce droit est plus élevé pour les reconstructions et les gros ouvrages que pour les simples travaux d’entretien. Par là, l’architecte est sans le vouloir doublement intéressé à préférer les grandes et dispendieuses entreprises de reconstruction pu de restauration générale à de modestes et économiques réparations. Une telle disposition, si elle ne peut être modifiée, réclame au moins un sévère et minutieux contrôle. Aucun particulier ne voudrait mettre sa maison, ses bâtimens industriels ou agricoles au régime où sont nos cathédrales. Il y a là, nous nous faisons un devoir de le signaler, un ordre de choses défectueux, des habitudes pernicieuses pour l’art, pour la science et, ce qui n’importe pas moins, pour les finances publiques. Il y aurait injustice à attaquer les personnes, on ne saurait le plus souvent contester ni leur science, ni leur goût, ni leur désintéressement. Notre école d’architecture a rendu de grands services à l’archéologie et aux monumens, il y aurait ingratitude à le nier. Les personnes sont au-dessus de toute attaque et de tout reproche, et, si le système actuel n’a point produit plus de mal, c’est en partie grâce à elles. Malheureusement, ici comme ailleurs, ce n’est point dans les hommes, c’est dans les institutions qu’on doit chercher des garanties. Absence de débats contradictoires, absence de tribunal d’appel, absence de contrôle, tels sont les défauts que l’on doit faire disparaître de l’administration préposée à la conservation de nos cathédrales. Il y a là des réformes à exécuter, et nulle part les réformes ne sont plus urgentes parce que nulle part le mal n’est moins réparable.