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populaires d’histoire à l’usage des contemporains. Passant de main en main, elles portaient jusqu’à l’extrémité du monde les images parlantes, les actes politiques ou militaires du chef de l’état, et formulaient par de vives allusions tous les faits dignes de mémoire. C’était la typographie officielle de ce temps, et les peuples éloignés qui n’entendaient pas le latin des légendes inscrites sur ces pièces pouvaient encore saisir facilement le sens des figures. Ceux qui les avaient vues une ou plusieurs fois en retenaient sans peine les traits essentiels, et chacun pouvait à peu de frais se rendre acquéreur pour un temps de la collection courante des monnaies de bronze, d’ordinaire plus favorisées que les espèces d’or et d’argent, tant à cause de l’espace que ce grand module offrait à l’artiste que par le soin spécial qu’il lui était commandé d’apporter à son œuvre. Aussi bien les grands bronzes sont-ils fort prisés des connaisseurs et se recommandent-ils encore aujourd’hui par une finesse de détail et une science de modelé qui révèlent un poinçon plus habile et un art supérieur.

Cependant, si précieuses qu’en soient les brèves informations, les monnaies sont bien loin d’offrir un intérêt comparable à celui que présentent les textes gravés sur la pierre ou sur l’airain. Celui qui réunirait en un recueil spécial toutes les inscriptions gravées pendant ce quart de siècle, — nous ne parlons, bien entendu, que de celles que le temps a épargnées et qui sont parvenues jusqu’à nous, — posséderait assurément les principaux élémens de la restitution du règne de Trajan ; il est à peine besoin d’ajouter qu’il aurait sous la main des matériaux authentiques et d’une autorité bien autrement indiscutable que l’œuvre personnelle d’un écrivain, quelques qualités éminentes qu’on lui suppose. Un pareil dépouillement épigraphique serait sans doute long et difficile, mais il peut dès aujourd’hui s’entreprendre et s’achever, grâce aux grands recueils déjà publiés. Nous ne saurions prétendre donner ici même un aperçu de cette mine de richesses, encore à exploiter pour le règne de Trajan, mais nous nous proposons du moins, par quelques exemples, c’est-à-dire en choisissant quelques inscriptions dans le nombre de celles qui nous sont parvenues pour cette courte période, de faire comprendre toute la portée de ces documens nouveaux et tout le fruit que l’historien sérieux en doit recueillir.

En 1747, c’est-à-dire peu de temps avant que les premières fouilles faites à Pompéi eussent mis au jour la Voie des tombeaux, deux laboureurs, en retournant leur champ, situé près de la pieve (ancienne église baptismale) de Macinesso dans le Placentin, à 36 kilomètres au sud-ouest de Parme, trouvèrent une grande table de bronze brisée en plusieurs morceaux et portant des caractères