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fleurs. Sur la rivière elle-même se succèdent les îles de Blackwell, de Ward et de Randall, où sont heureusement isolés, au milieu de l’eau et du bon air, dans des édifices de briques ou de granit ayant chacun le style voulu, le pénitencier, l’hôpital des fous, celui des immigrans, « l’asile des ivrognes » et diverses maisons de refuge, en un mot toutes les institutions charitables et de correction que la ville de New-York a tenu à honneur de prendre sous sa sauvegarde.

Entre l’île de Ward et Astoria est un chenal qui se nomme Hell-Gate ou la Porte-d’Enfer. Il est semé de roches à fleur d’eau qui gênent la grande navigation et donnent naissance à des courans. Depuis 1870, on a ouvert de vastes chambres de mine sous l’eau pour faire sauter ces roches. Ces audacieux travaux seront bientôt terminés. On allumera toutes les mines à la fois au moyen de l’étincelle électrique, une formidable explosion se produira, soulevant l’eau en tourbillons, pulvérisant les roches en déblais, qu’on enlèvera au moyen d’une drague à vapeur, et le chenal sera complètement libre. Alors les steamers d’Europe pourront prendre cette voie, à la fois plus sûre et plus rapide, et arriver à New-York par la rivière de l’Est, gagnant ainsi une couple de centaines de milles, c’est-à-dire près de vingt heures sur le parcours total. C’est une économie de temps dont il faut tenir compte. Les Américains sont coutumiers de ce genre de travaux sous-marins, et ils ont fait déjà sauter, par des opérations analogues, heureusement et rapidement menées à bien, des roches qui gênaient l’entrée des ports de Boston et de San-Francisco.

Le chenal de Hell-Gate franchi, la rivière de l’Est s’élargit en un bras de mer qu’on nomme le Sound, et qui s’unit plus loin à l’Océan. Du côté opposé, au-delà des îles de Ward et de Randall, commence la rivière de Harlem, qui n’est qu’un faux bras de l’Hudson. Si nous descendons le grand fleuve à partir de ce point, nous apercevons sur la rive gauche New-York avec le prolongement des rues que nous relevions tout à l’heure, et sur la rive droite Fort-Lee, au-delà duquel s’étendent de plantureuses campagnes, puis Weehawken et Hoboken, peuplées d’Allemands, et Jersey-City. C’est là, tout le long de la rivière, que sont les docks, les ateliers, les gares du grand chemin de fer de l’Érié. Jersey-City fait face à la cité impériale sur l’Hudson, comme Brooklyn sur la rivière de l’Est. L’Hudson sépare ici les deux états limitrophes de New-York et de New-Jersey. L’espace qui s’étend entre la pointe de Manhattan et Jersey-City sert d’embouchure au grand fleuve. Ses eaux, qui s’unissent insensiblement à celles de la mer, forment une magnifique baie intérieure qui est la plus belle et la plus sûre du monde, où toutes les flottes de l’univers pourraient se donner rendez-vous et évoluer à l’aise. Cette