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garde aux pickpockets, un écriteau à l’intérieur vous en prévient. Arrivés à destination, les chevaux sont dételés et reportés de l’autre côté du car, sans autre manœuvre. Il n’y a pas de timon pour atteler les bêtes, et la voiture, de forme symétrique, sans être retournée va librement dans les deux sens.

Un chemin de fer aérien, qui court le long des maisons, sur une seule voie, portée par des colonnettes en fonte fixées sur la partie extérieure des trottoirs, fait le service entre la 30e rue et la Batterie, en concurrence avec les cars. Dans le principe, on hésitait à prendre cette ligne à la suite de quelques accidens où le train fut précipité dans la rue. Aujourd’hui on a oublié cela, et le chemin de fer aérien fait convenablement ses affaires.

Les omnibus ou stages, familièrement et laconiquement les bus, desservent surtout l’interminable rue de Broadway. Ils sont de forme ventrue, archaïque, ornés au dehors et au dedans de peintures voyantes, têtes de femmes enluminées, paysages fantastiques. Bien qu’ils soient plus petits que les cars, on y paie le double : aussi les regarde-t-on comme plus « aristocratiques, » et la société y est-elle plus choisie. Il est des cars, ceux qui courent le long des quais ou traversent les quartiers populeux, où une dame ne pourrait guère se risquer, — non que la société y soit impolie, bruyante, mais elle n’est pas choisie ; les vêtemens n’y sont pas de la plus grande fraîcheur, et l’odeur qui y règne est quelquefois insupportable. — Dans Broadway, il passe à chaque minute trois ou quatre omnibus à la fois. L’après-midi, ils sont souvent pleins de dames qui vont rendre leurs visites, courir les magasins ; il fut un temps où elles avaient adopté la mode, quand elles ne trouvaient plus de place, de s’asseoir sans façon sur les genoux des voyageurs. La voiture va lentement, cahotée sur un pavé inégal. Le cocher, le chef protégé en été d’un vaste parasol blanc fixé à demeure et orné de réclames, vous fait signe de monter, et, lâchant une courroie attachée à son pied, laisse la porte s’ouvrir. Aucun conducteur. Vous jetez votre argent dans une petite boîte mécanique, vissée au fond de l’omnibus et à parois transparentes de cristal. De temps en temps, une trappe intérieure se lève toute seule et fait tomber la monnaie dans un double-fond invisible fermé par un cadenas. Le mouvement saccadé de cette trappe, qu’on dirait animée, irritée contre les menues pièces de nickel ou les carrés de papier-monnaie qui refusent de tomber du premier coup, est fort original. Il n’y a pas d’autre contrôle, et pas d’exemple de voyageur qui ne paie pas. Chacun est censé le surveillant de son voisin ; c’est une façon de self-government au petit pied. — Si vous avez à changer de la monnaie, vous faites résonner un timbre. Une main se présente par un trou, c’est celle du cocher. Vous lui passez votre argent, il vous renvoie par le