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déception dépassa les espérances : 40 tableaux à peine répondaient à des promesses si fastueuses. L’Académie se montra plus indulgente, elle en choisit à peu près 300 ; un nouveau et prudent triage n’a donné qu’à une centaine l’honneur longtemps attendu d’entrer définitivement dans la grande galerie du Louvre.

Que de remaniemens elle a déjà vus depuis un siècle, cette galerie dont les étrangers autrefois étaient censés admirer beaucoup la longue perspective ! Et combien sans doute elle en verra encore malgré les réflexions qui ont dû précéder depuis vingt ans le nouveau classement ! mais elle ne retrouvera plus son ancienne gloire ; ce n’est plus, ce ne sera plus désormais la grande galerie : on l’a raccourcie de moitié. L’architecte lui a bien rendu, non sans effort, deux travées complémentaires : ce sont les dernières que l’administration pourra réclamer ; devant la différence qu’on a résolument établie et conservée entre l’ancien niveau et celui des nouvelles constructions, il a fallu abandonner toute espérance de jamais rentrer en possession des emplacemens primitifs. Ceux-ci appartiennent désormais à l’avenir. Bien que l’espace rendu en échange par le gouvernement impérial à l’administration des musées fût considérable, il ne pouvait suffire aux richesses qu’on y devait réexposer. De là l’obligation de laisser dans les dépôts une moitié des tableaux de l’école flamande. Aujourd’hui, après la rétrocession nouvelle, les exilés sont rappelés au grand jour, imposant en même temps un remaniement général, devenu plus facile et dès longtemps reconnu nécessaire. Ainsi, dans la petite salle qu’on a pris l’habitude inexpliquée d’appeler la galerie des Sept-Mètres, les tableaux conservés de la galerie Campana ont pu enfin prendre place ; ils commencent tant bien que mal l’histoire et la classification des écoles d’Italie. Peut-être eût-il paru plus naturel de faire entrer immédiatement le visiteur en communication avec l’ordre chronologique, au lieu de l’obliger, lorsqu’il met le pied dans la grande galerie, à remonter à droite pour commencer logiquement son examen. Il est vrai que le public est assez indifférent à ces attentions, qui ne sont appréciées que des érudits, et les réclamations mêmes de ces derniers doivent se taire trop souvent devant les exigences du placement.

En prenant comme toutes nouvelles les œuvres déjà oubliées que le célèbre collectionneur romain avait l’assemblées avec si peu de discernement, on ne peut guère citer comme documens vraiment significatifs et importans que l’Adoration des Mages de Luca Signorelli, la grande bataille de Paolo Uccello, la Madone attribuée au Verocchio, et la Pietà de Cosimo Turra. Du moins ces quatre pages répondent-elles avec convenance à la réputation des maîtres qu’elles représentent.