Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 6.djvu/702

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la galerie des Sept-Mètres en citant la Pietà de Cosimo Turra, grand et étrange semi-tondo où l’on retrouve l’inutile précision des Allemands avec leur patiente et inconsciente imitation de la laideur, ce n’est pas qu’on doive juger sans valeur le reste des cadres récemment exposés. On pourrait justement louer certaines œuvres qui portent légitimement des noms inconnus en France jusqu’au moment où les belles études de Rio vinrent mettre en lumière les artistes des écoles de Sienne et de Lombardie. Sano di Pietro, Neri di Bicci, Vivarini, Bramantino, les imitateurs de Ghirlandajo et ceux de fra Angelico se rappelleront maintenant au souvenir de ceux qui ont visité les églises et les musées de l’Italie ; mais là se bornent à peu près les secours que leurs œuvres au Louvre peuvent fournir à l’étude. Notre musée ne peut malheureusement pas lutter par le nombre ni par l’importance des renseignemens avec la collection de Londres, pas plus qu’avec le Gemälde-Sammlung de Berlin, de formation cependant si récente, et il est bien à craindre qu’il ne soit trop tard aujourd’hui pour essayer de les égaler. La faveur qui entoure depuis quelques années les vieux maîtres du XVe siècle rendait la concurrence déjà difficile ; la modicité des ressources que le budget fournit à l’administration paralyse plus encore sa bonne volonté. Aussi n’est-on pas étonné de voir à quoi se sont bornés les achats de la direction depuis la chute de l’empire. C’est bien peu qu’un fragment de tableau, ancienne copie d’après Luca Signorelli, même si l’on joint une petite Madone de Gentile da Fabriano à une tête d’homme exécutée par une main inconnue de l’école vénitienne. Nous ne parlerons pas des fresques de la Magliana, puisque c’est l’assemblée nationale qui a soldé l’énorme prix devant lequel tous les acquéreurs reculaient.

À tout le moins fait-on tout ce qu’on pourrait faire ? Si les administrateurs, par cela seul qu’ils sont plus en vue, encourent seuls des responsabilités qu’ils ont le droit de repousser, et si leur apparente inaction tient à leur impuissance, ne se laissent-ils pas aussi intimider plus d’une fois par des obstacles, par des oppositions plus faciles à vaincre que la pauvreté ? À défaut d’acquisitions, impossibles si l’on veut, n’y a-t-il pas du moins des revendications profitables, que le bon sens devrait rendre légitimes, et que le droit ne peut écarter ? Pourquoi désespérer de les faire écouter ? Un exemple entre bien d’autres : l’abbaye de Saint-Denis possède un, superbe tableau d’un maître mal connu à Paris ; il représente le Martyre de saint Denis, et c’est Gaspar de Crayer qui en est l’auteur. On peut dire qu’il s’y est surpassé, et le voisinage même de Rubens n’en affaiblirait pas l’harmonieux éclat. Ce tableau, donné par le premier empire à la chapelle des chanoines, en ornait l’autel. Cette chapelle, utile, mais de construction moderne, fut jetée bas