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politique de cette majorité, de la prudence mêlée de hardiesse et de sagacité avec laquelle son souverain, ses hommes d’état ont conduit ses affaires au milieu des circonstances les plus compliquées, les plus épineuses. Elle a résolu le problème de s’établir à Rome sans que le pape en soit parti et de s’accréditer parmi les puissances régulières sans rien sacrifier de ses intérêts ou même de ses aspirations. Où en serait l’Italie, si elle suivait les conseils de cette opposition bruyante qui s’agite, au-delà des Alpes, que nos républicains français ont la singulière habitude de considérer comme une alliée parce qu’elle parle de démocratie, parce qu’elle fait élire Garibaldi, — et qui n’a d’autre inspiration que la haine de la France ? L’opposition italienne ne voit pas qu’avec sa politique de guerre au pape et d’hostilité contre la France, pour le bon plaisir de M. de Bismarck, elle ferait tout simplement de l’Italie la satellite obligée de l’Allemagne. Elle soumettrait son pays à peine reconstitué à cette humiliation nouvelle d’une suzeraineté étrangère mal déguisée. La politique que le parti modéré a constamment soutenue depuis quinze ans, que M. Visconti-Venosta pratique habilement tous les jours, a un peu mieux fait, on en conviendra : elle a donné à l’Italie la paix, la sécurité, l’indépendance. C’est précisément parce que cette politique a été modérée qu’elle a pu dénouer successivement les questions les plus délicates, jusqu’à cette question de l’Orénoque, dont les Italiens s’exagéraient assurément l’importance, et que la France ne devait pas laisser subsister dès qu’elle était de nature à peser sur les relations des deux pays, dès qu’elle pouvait être un inutile sujet d’ombrage.

Que d’autres s’efforcent d’attirer l’Italie dans des alliances onéreuses, qu’ils tâchent de lui imposer de compromettantes solidarités, c’est leur affaire. Tout ce que la France peut et doit désirer, c’est de voir l’Italie se développer, se fortifier, s’affermir, dans des conditions d’indépendance où elle puisse choisir librement ses amis, aller là où l’appellent ses traditions, ses intérêts, ses sympathies naturelles, et c’est pour cela que le rappel du vieux navire ancré dans la rade de Civita-Vecchia a été un acte aussi opportun que prévoyant. Entre la France et l’Italie, entre la politique suivie par M. Visconti-Venosta, ratifiée par les dernières élections italiennes, et la politique que M. le duc Decazes a fait prévaloir dans les conseils du gouvernement français, il ne reste que des raisons de bonne intelligence, de cordialité. C’est la politique nationale au-delà des Alpes, c’est la politique de la prévoyance pour nous, et si M. Visconti-Venosta n’a point à craindre de difficultés sérieuses de la part de l’opposition quelque peu allemande qui s’agite dans le parlement de Rome, il n’y aurait certes que de la prudence de la part de nos catholiques de l’assemblée à ne point soulever encore une fois de telles questions à Versailles. Ils n’y gagneraient rien, ils risqueraient tout au plus de fournir des argumens à nos ennemis, ou à M. Gladstone, qui se plaisait tout récemment à faire de bien étranges hypothèses sur