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exécutif que nous avons créé et que nous aurons laissé seul, sans moyens de gouvernement, sans autre force qu’une armée à laquelle il n’est pas permis de porter la main sur les élus du suffrage populaire ? Comment contiendra-t-il ces partis frémissans dans le respect de la loi ? Ne pouvant, ne voulant pas surtout sortir par un coup d’état d’une pareille situation, pourrait-il faire autre chose que de se retirer devant des obstacles qu’il se verrait impuissant à surmonter ? Et qui nous répond alors de la sagesse de ce pays ahuri, assourdi par les cris des partis, et par cet incessant tocsin de l’appel au peuple ?

Voilà ce qui nous attend, si l’assemblée ne fait pas les lois de salut. Les fera-t-elle ? Il est bien tard déjà pour pouvoir l’espérer ; mais il n’est jamais trop tard quand il s’agit de sauver la patrie. Il faut avant tout changer la situation dans le parlement et dans le pays par conséquent. On peut encore la changer en acceptant la proposition Perier. Si on ne le veut point pour ne pas avoir l’air de se laisser imposer un programme par des adversaires politiques (quels adversaires !), on peut toujours, au nom des plus graves intérêts du pays et du parti conservateur lui-même, prendre l’initiative d’une réforme, dans les projets proposés, qui ferait du septennat une véritable institution. A défaut même de cette initiative, on pourrait, dans les conseils du président de la république, faire connaître l’attitude que le gouvernement se propose de suivre dans la discussion de ces lois et le programme qui lui semble devoir leur assurer une majorité. La constitution faite, et faite de façon à pouvoir être acceptée par tous les esprits sensés et pratiques de la droite et de la gauche, l’assemblée pourrait envisager sans effroi la perspective d’une prochaine dissolution, car alors la situation sera changée ; l’équivoque aura partout disparu, à droite comme à gauche, entre des partis qui n’ont ni le même but ni le même programme. Ce ne sera plus entre républicains et monarchistes que se posera la question, ce sera entre les partisans et les adversaires d’une constitution qui est devenue la loi du pays. Le parti bonapartiste, qu’on ne peut guère empêcher aujourd’hui de réclamer l’appel au peuple, malgré le décret de déchéance, tant que durera le provisoire, ne pourrait plus l’invoquer devant un gouvernement constitué et organisé sans s’exposer à être traité en factieux. En tout cas, le pays ne le comprendra ni ne le suivra, s’il persiste à poser une question résolue. Alors conservateurs et radicaux, libéraux et cléricaux, partisans ou adversaires de la centralisation, reprendront, sous l’égide de la constitution, la liberté et la franchise de leurs allures. Les partis se classeront autrement ; la lutte, quelque vive qu’elle puisse être, n’agitera ni n’ébranlera plus le pays parce qu’elle aura