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changé de terrain et de caractère ; elle ne mettra plus en péril la paix publique ni le salut du pays en question.

Mais, dira-t-on pour en finir, si l’assemblée ne veut ni constituer ni se dissoudre, que resterait-il à faire ? Nous sommes de ceux qui n’ont jamais pris au sérieux les beaux projets de septennat parlementaire, même avec les ingénieuses combinaisons d’un publiciste. Une assemblée se prorogeant ainsi pour ne rien faire, en quel temps et en quel pays cela s’est-il jamais vu ? Où et quand a-t-on vu une assemblée voulant imposer son impuissante autorité au pays ? Une seule ressource resterait à la nôtre, si elle voulait encore vivre en ne voulant ou ne pouvant rien faire : ce serait de vivre en se renouvelant partiellement jusqu’à l’expiration des pouvoirs du président actuel de la république. Pour le moment, ce ne pourrait être qu’un expédient ; quant à l’institution elle-même du renouvellement partiel, c’est une question à réserver. Tout ce que nous pouvons en dire ici, c’est que nous n’y voyons pas un véritable tempérament à la démocratie. Si l’on nous dit que ce serait prolonger le provisoire pour sept ans, nous répondons que rien n’empêcherait l’assemblée, le jour où une majorité de constitution s’y formerait par le renouvellement partiel, de reprendre, avec succès alors, l’œuvre constitutionnelle qu’elle ne peut maintenant mener à bonne fin. Nous aimerions bien mieux autre chose ; mais dans la situation actuelle nous ne serions point trop surpris que, de guerre lasse, l’assemblée ne fût inévitablement amenée à cette solution qui rend possible pour l’avenir ce qui ne semble pas l’être pour le présent. Encore une fois, cette solution n’est pas de notre goût. Nous préférerions pourtant une dissolution partielle à une dissolution totale, à l’exemple du médecin qui croit prudent d’attendre du temps la guérison d’un malade qu’il pourrait tuer par un remède violent. Quant à vouloir rester indéfiniment à ce poste, où nous a mis la confiance du pays, pour se croiser les bras et attendre les décrets de la Providence ou les coups de la fortune, nous connaissons trop d’hommes de sens et d’honneur dans cette assemblée pour croire que l’on y veuille renouveler l’histoire du long parlement dans les circonstances qui le comportent le moins.

Voici l’assemblée parvenue presqu’au terme de sa carrière, au moment suprême où il lui faut aborder l’œuvre sans laquelle elle ne peut abandonner le pays aux hasards du suffrage universel. Ses jours sont comptés, et chaque heure qui s’écoule est un temps précieux perdu pour cette œuvre de salut. Plus la situation devient grave, plus elle commande aux hommes modérés de tous les partis les sacrifices que le pays attend de leur patriotisme. Sans aller jusqu’à dire qu’une entente à tout prix est leur premier devoir, nous