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aussi bien que des femmes. Ce sont des pierres de 70 centimètres à 3 mètres de haut, très grossièrement travaillées, les unes n’étant que des blocs informes qui ont à leur extrémité supérieure une ressemblance lointaine avec la figure humaine, — d’autres au contraire, avec une ignorance parfaite des proportions du corps, présentant une exécution très soignée de certains détails. Le vêtement surtout est parfois rendu avec une grande fidélité. Les hommes tantôt sont coiffés de chapeaux ou de calottes et vêtus d’un cafetan, tantôt ils portent un casque, une cuirasse, une ceinture militaire d’où pendent des glaives, des haches, des lassos. Les femmes sont quelquefois nues et font alors songer à la Vénus hottentote ; quelquefois ce déshabillé trop complet est relevé par un collier et une paire de bottes. Les détails de leur costume, quand on a pris la peine de les vêtir, leurs chapeaux de toutes formes, dont quelques-uns rappellent la Suisse, le Tyrol, et ceux qu’une récente opérette avait mis en vogue, leurs longues tresses de cheveux, leurs colliers et leurs bracelets, les broderies et les passementeries de leurs tuniques, sont assez bien rendus pour donner une idée de la mode qui avait cours en ce temps-là ; mais l’explication des bonnes femmes de pierre, à laquelle s’est déjà appliqué le comte Ouvarof, n’est point facile à donner. Comme elles sont travaillées plus ou moins grossièrement, et que cependant elles ont toutes un certain air de famille, elles semblent appartenir à des époques successives d’un même développement de l’art. Quelques-unes remonteraient à l’âge de bronze ou à l’âge de pierre, d’autres, comme celle qui a une croix figurée sur le dos, seraient contemporaines de l’introduction du christianisme. Or quelle race d’hommes a pu, à des époques si différentes, semer toutes les plaines du nord, depuis l’Iéniséi et l’Altaï jusqu’au Dnieper et à la Vistule, de kamennia baby ? Rubruquis, l’envoyé de saint Louis, raconte que les Coumans de 1253 « ont coutume d’élever une motte de terre sur la sépulture du mort et lui dressent une statue la face tournée vers l’orient, tenant une tasse en la main sur le nombril. » Et en effet la plupart de ces statues tiennent entre leurs mains une sorte de gobelet ou de vase funèbre. D’autres auteurs racontent que les Mongols, quand ils ont perdu quelqu’un des leurs, lui élèvent un monument qui reproduit tant bien que mal les traits du défunt, et lui rendent toute sorte d’hommages. Il paraît que les peuples non slaves ont souvent utilisé comme piédestaux pour leurs chefs-d’œuvre d’anciens tumuli slaves.


III

Parmi les lectures concernant la géographie et l’ethnographie, plusieurs méritent d’être mentionnées. M. Ilovaïski porte ses