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rentes 5 pour 100 au cours de 89 francs 55 cent., et le 12 janvier 1830 cette même maison souscrivit un emprunt de 80 millions de francs en 4 pour 100 au taux de 102 francs 57 cent. 1/2. Cette dernière opération de crédit est une des plus remarquables et des plus recommandables de notre histoire financière : elle montre qu’un état qui a de bonnes finances n’a pas besoin, pour se procurer des sommes importantes, de solliciter les capitalistes par l’appât d’une plus-value considérable sur les titres qu’il leur livre ; il suffit de leur accorder un intérêt rémunérateur et qui soit en harmonie avec la situation générale du marché des capitaux. L’emprunt de 1830 est le seul qui en France ait été émis légèrement au-dessus du pair, c’est-à-dire au-dessus du taux de remboursement ; nous verrons qu’en 1832 un autre emprunt, cette fois en 5 pour 100, fut émis presqu’au pair, à 98 francs 50 cent. Nous espérons que, si jamais la France recourt de nouveau au crédit, elle s’inspirera de ces deux exemples et renoncera à l’imprudente habitude de reconnaître aux rentiers un capital notablement plus considérable que celui qu’ils lui versent.

Quoique tous les emprunts de la restauration, sauf celui de janvier 1830, aient été conclus en 5 pour 100, c’est ce gouvernement qui a créé aussi les deux fonds 4 1/2 et 3 pour 100, le 4 1/2 par la conversion facultative du 5 sous le ministère de M. de Villèle, et le 3 pour 100 par cette même conversion et par l’indemnité dite du milliard accordée aux émigrés. Nous n’avons aucun préjugé en faveur du prétendu principe de l’unité de la dette publique. La convention nationale et Cambon, passionnés, selon le goût de l’époque, pour tout ce qui est simple et uniforme, avaient fait une sorte de loi majestueuse de cette unité de la dette, qui ne devait consister qu’en fonds 5 pour 100, théorie singulièrement puérile, comme si le crédit de l’état ne devait pas subir les mêmes fluctuations que le crédit des particuliers, comme si un gouvernement avait la puissance de fixer une fois pour toutes le taux de l’intérêt qu’il pourra et devra payer à l’avenir. On doit regretter néanmoins, comme une faute ayant de graves conséquences, la création du fonds 3 pour 100. Jamais en France, pas même sous le gouvernement de Louis-Philippe, le 3 pour 100 n’a assez approché du cours de 100 francs pour que l’état eût avantage à emprunter en ce fonds. L’habitude d’y recourir a grossi prodigieusement le capital nominal de notre dette, et en rendra l’extinction très coûteuse. Il y avait toutefois à la création des rentes 3 pour 100, pour indemniser les émigrés et les anciens propriétaires de biens nationaux, une raison-spécieuse : on voulait restituer à ceux-ci, au moins en apparence, tout ce qu’ils avaient perdu, sans charger l’état outre mesure ; on assimilait la rente 3 pour 100, pour la solidité du placement et pour le taux de