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demandé l’abolition de la noblesse héréditaire. Cette proposition, appuyée par La Fayette, Matthieu de Montmorency et Saint-Fargeau, allait être mise aux voix. Le côté droit était surpris : il avait dans ses rangs un certain nombre de membres du tiers qui, dans toutes les questions touchant à la religion, au clergé et à la monarchie, avaient l’habitude de voter avec lui. Dès qu’il fut question de la suppression des titres, ils s’enfuirent vers le côté gauche. Montlosier en retenait un, qu’il connaissait plus particulièrement, par le pan de l’habit. Le morceau faillit lui demeurer dans la main. « Je ne suis pas pour la noblesse, » lui cria-t-il, — et le décret fut voté. C’est un de ceux qui ont causé le plus de joie en France et le plus affermi la révolution. Cette observation est précisément de Montlosier, qui voulait retenir son collègue du tiers-état obéissant à l’instinct de toute sa race. Montlosier n’aima jamais la démocratie. Devenu partisan des deux chambres, grâce à l’influence insinuante de Malouet, il se séparait de lui en maintenant la division des ordres. Partisan de la constitution anglaise, s’il eût voté le 9 septembre pour la dualité du corps législatif, il se fût réservé de discuter la composition de la seconde chambre et ses attributions.

Ce n’est pas à la tribune qu’il put d’ailleurs exposer ses convictions. Bien qu’il y ait paru plusieurs fois, on ne peut le citer comme orateur ; vainement l’abbé Maury lui avait indiqué sa méthode pour le devenir. Montlosier ne voulut pas cultiver ses dons naturels. « Si j’avais vu, répondait-il, dans l’ordre nouveau quelque chose d’établi, si, comme en Angleterre, j’avais trouvé devant moi une forme d’assemblée délibérante, liée à un système régulier d’institutions, j’aurais eu une perspective de service, un avenir d’utilité auquel j’aurais pu m’attacher ; mais pour moi seulement, pour une petite réputation de quelques jours, pour de petits succès de salon, jamais je n’aurais pu, comme Maury ou comme Cazalès, m’imposer une telle tâche. » Un jour cependant il trouva sa voie. L’assemblée avait commis la faute de se mêler des affaires de la conscience et de décréter une constitution civile du clergé. Elle avait enjoint aux ecclésiastiques en exercice de prêter publiquement le serment à cette loi. Les membres du clergé qui étaient députés n’en étaient pas exempts. Une séance fut désignée pour l’accomplissement de cette mesure ; on fut obligé d’y renoncer. Les premiers appelés, l’évêque d’Agen, un curé de son diocèse, l’abbé Fournès, un autre du diocèse de Cambrai, prononcèrent de telles paroles pour motiver leur refus, que l’assemblée crut devoir charger le comité ecclésiastique de présenter dans le plus bref délai un projet d’instruction à l’effet de prévenir des alarmes et des troubles inévitables. Les journaux rapportent que Montlosier demanda avec dérision qu’on adjoignît à