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Une souscription a été ouverte cette année même pour cet objet ; elle n’a pas réussi, les fonds ont été restitués aux souscripteurs. Le titre de ce journal était trouvé : il devait se nommer le Syndical. Admirez la fortune des mots : il n’en est guère qui depuis longtemps ait pris autant d’extension que celui de syndical. En finances, en agriculture, dans les questions sociales, vous le rencontrez partout.

L’association coopérative de production devant être, suivant les délégués, le terme définitif de l’évolution sociale actuelle, il convient de rechercher brièvement quelles sont les idées qu’ils se font des conditions d’existence de ces sociétés. Les sociétés coopératives peuvent réussir dans un grand nombre d’industries, mais c’est au prix de beaucoup d’efforts, de beaucoup d’intelligence, de beaucoup de concorde et de beaucoup de temps. On a écrit des milliers de volumes sur ce mode d’association, et les faits restent encore fort obscurs. On a de suffisantes données sur l’essor des sociétés de crédit en Allemagne ou en Italie et des sociétés de consommation en Angleterre ; mais, dès que l’on aborde les sociétés de production, on se trouve en présence de profondes ténèbres. Tous les délégués dont nous avons parcouru les rapports font l’éloge, soit simple et bref, soit diffus et ampoulé, des sociétés coopératives ; il n’en est pas un seul qui prenne souci de s’enquérir du nombre et de la situation des sociétés coopératives parisiennes. Nous glanons à grand’peine quelques renseignemens épars que nous réunissons sans parvenir à en faire un tout de quelque importance. Le délégué des lithographes par exemple nous laisse entendre qu’il y a dans sa corporation une société coopérative qui a traversé de dures épreuves, mais qui prospère grâce à sa bonne administration, et qui journellement attire de nouveaux adhérens. Chez les typographes parisiens, il existe deux sociétés de production, l’une appelée l’Association générale et l’autre l’Imprimerie-Nouvelle ; c’est cette dernière qui a publié tous les rapports des délégués ouvriers à Vienne. On néglige de nous apprendre l’état de ces deux associations, on se contente de nous dire qu’elles sont encore dans la période de l’enfance, et qu’elles devront passer par bien des phases avant de réaliser l’idéal qu’elles se proposent. Chez les cordonniers, il y a deux sociétés coopératives de production, dont l’une date de 1870 ; mais le délégué de ce corps d’état, quoique l’un des plus fervens partisans de la coopération, a trouvé que, dans un rapport de plus de 100 pages, ces matters of fact ne méritaient pas plus de trois lignes. Les tailleurs de Paris ont aussi une société de ce genre, dont le capital consiste en actions de 100 fr. payables en plusieurs années, donnant droit à un intérêt de 5 pour 100, et à une part éventuelle de 3 pour 100 sur les bénéfices nets, le reste devant être réparai entre tous les travailleurs. Le délégué des selliers nous avoue qu’aucune des sociétés qui ont été fondées dans sa