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a pris part jadis à cette fameuse insurrection mystique dont le signal fut donné par l’université d’Oxford et qui tourna au profit de Rome. En ce temps, l’église anglicane laissa tomber de sa royale couronne quelques perles de grand prix, des mains habiles les ramassèrent. M. Gladstone n’est pas de ceux qui poussent jusqu’au bout les aventures de leur esprit ; — il demeura dans le bercail, ainsi que M. Pusey, dont la conversion a été longtemps espérée et ne s’est jamais accomplie, ce qui faisait dire au pape que le docteur Pusey était comme la cloche qui appelle les fidèles à la messe et qui n’y va pas elle-même. M. Gladstone, lui non plus, ne va pas à la messe, mais il n’a ni haine ni préjugés contre ceux qui y vont. Il n’a pu voir sans affliction la sainte apostasie du docteur Newman ; il ne laisse pas de porter à cet ami de son jeune âge une affection qui va jusqu’à la tendresse, un respect qui touche à la vénération. Il le regrette, il le pleure, il s’écrie :

Quis desiderio sit pudor aut modus
Tam cari capitis ?

On ne peut croire non plus que les principes politiques de M. Gladstone et son attachement pour une religion d’état le rendent intolérant à l’égard des communions indépendantes. A l’exemple des Canning et des Peel, il a commencé par le torysme, et insensiblement il est devenu libéral à la façon anglaise. Il ne s’est pas laissé gagner par cet enthousiasme qu’inspirent en France les formules générales et les convictions abstraites ; il a pris conseil des circonstances, de son bon sens, de son esprit d’opportunité. Les situations ont modifié ses principes, et il n’a pas rougi de changer ; il s’est dit apparemment, comme l’un de ses compatriotes, « qu’il n’y a que Dieu et les imbéciles qui ne changent pas. » — « Jadis, écrivait naguère un théologien catholique, l’état avait une conscience, George III avait une conscience ; mais, à côté de lui, à la tête des affaires, il y avait d’autres hommes qui, eux aussi, avaient une conscience, et si le roi ne pouvait rien faire sans ses conseillers, ses conseillers ne pouvaient rien faire d’accord avec lui dès qu’une question religieuse était soumise à leurs délibérations… Sans contredit, il serait mieux que l’état eût une conscience ; mais que faire lorsqu’on matière religieuse il en a une demi-douzaine, ou une vingtaine, ou plusieurs centaines, toutes très différentes les unes des autres ? » Le seul parti à prendre est de déclarer que l’état renonce à dogmatiser, qu’il s’attachera désormais à séculariser la loi, et que, neutre en religion, il accordera la liberté à toutes les confessions, sous réserve de ses droits et des intérêts de la paix publique. C’est par suite de ce raisonnement qu’un ancien tory tel que M. Gladstone est devenu le chaud partisan de la liberté religieuse.

On peut affirmer qu’aucun homme d’état anglais n’a rendu de plus grands services aux catholiques ; on peut affirmer aussi que les