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domineront longtemps toutes les résolutions. La première condition est toujours de les bien connaître dans leurs origines, dans leur caractère comme dans leur développement, et c’est justement à cela que servent des œuvres comme celle que M. Albert Sorel vient de publier sous le titre d’Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande. M. Albert Sorel était attaché à la délégation des affaires étrangères à Tours et à Bordeaux pendant la guerre. Il expose la diplomatie de cette douloureuse époque avec sûreté, avec abondance et avec talent. Son livre est une œuvre sérieuse et instructive qui déroule habilement ce lamentable tissu de négociations inutiles allant aboutir à la paix de Francfort. L’auteur est justement sévère à l’égard de l’empire et de ces tristes négociations du mois de juillet 1870, qu’il décrit avec une précision accablante. Quant à la diplomatie de Bordeaux, elle a certainement fait ce qu’elle a pu, et M. de Chaudordy est un diplomate fort distingué, qui a trouvé dans M. Albert Sorel un historien des plus zélés, tout prêt à exalter ses combinaisons, au risque de mettre un peu d’imagination au service de la gloire de son ancien chef. Cela frappe d’autant plus que d’un autre côté, par suite d’une inadvertance sans doute, le rôle et les services de M. Thiers ne sont pas toujours mis à la hauteur où ils doivent être. C’est ce qui s’appelle manquer de proportion et de justesse dans l’appréciation des hommes, dans l’histoire d’une sanglante époque où M. Thiers a eu la triste fortune d’être le plus prévoyant le premier jour et le plus dévoué à la dernière heure, le plus actif à réparer les désastres qu’il avait prévus.

L’Italie vient d’avoir sa crise, une vraie bourrasque heureusement passagère comme un orage d’été. Le parlement de Rome, avant de se séparer, a été pendant quelques jours livré aux débats les plus violens, les plus tumultueux. Le ministère en vérité s’est vu réduit un instant à se demander s’il survivrait à la session, s’il n’allait pas succomber presqu’à l’improviste devant une effervescence d’opposition. Que s’était-il donc produit de nouveau, d’inattendu dans la politique italienne ? Y avait-il une de ces questions qui sont de nature à émouvoir les esprits sérieux, à provoquer des conflits ? Le fait est que pendant quelques jours on s’est passionné et déchaîné à Rome, on est allé jusqu’à des actes extra-parlementaires à propos de bandits et de brigandage. L’Italie. a eu beau être heureuse dans sa révolution nationale, elle a eu beau triompher en courant de tous les obstacles qui semblaient rendre l’unité impossible ; elle a réussi, elle n’a pas moins gardé de vieilles plaies, et l’une de ces plaies est le brigandage qui sévit dans quelques-unes de ses provinces, en Sicile plus que partout. Ce n’est plus ici vraiment de la politique, c’est une question morale, sociale, devant laquelle tous les ministères se sont trouvés depuis dix ans.

Tout le monde en convient, c’est un fait sur lequel il n’y a pas d’illusion possible, la Sicile est livrée aux malandrins qui règnent et gouver-