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accessoires. Ainsi les Américains du nord y montrent plus de hardiesse, les Français plus de science théorique ; les Anglais s’en rapportent plus volontiers aux indications de l’expérience. Cependant les divers états européens s’empruntent maintenant si volontiers leurs ingénieurs qu’il n’y a plus guère en pareille matière de caractère national. C’est donc surtout par la variété des conditions physiques que les travaux publics se distinguent en projet ou en exécution. Rien que par ce motif, il y a grand intérêt à les étudier tour à tour en chaque contrée. L’écrit tout récent de M. Croizette-Desnoyers nous conduit dans un pays bien voisin de nos frontières, où la nature du sol oppose néanmoins aux ingénieurs des obstacles contre lesquels ils ont rarement à lutter chez nous.

La Hollande est, on le sait, un pays plat, sillonné par des fleuves, dont les bras innombrables découpent la zone littorale en une multitude d’îles. De vastes superficies, aujourd’hui cultivées et habitées, sont à peine au niveau des hautes marées, elles sont souvent même au-dessous, si bien que des dunes naturelles ou des digues artificielles empêchent seules que les vagues ne les recouvrent. Une mer intérieure, le Zuiderzée, semble mettre le cœur du royaume en communication avec l’océan ; il en fut ainsi sans doute dans l’ancien temps. Cette mer, aussi bien que la plupart des embouchures des fleuves, n’a plus assez de profondeur pour admettre les navires de fort tonnage que possède maintenant le commerce maritime. Le sol, tout d’alluvion, est formé de dépôts vaseux ; à 20 ou 30 mètres de profondeur, la sonde ne rencontre encore que le sable ou l’argile. La pierre fait défaut ; quand on ne peut s’en passer, il faut l’amener de la Belgique ou de la vallée du Rhin ; aussi construit-on de préférence en briques ou en bois. Enfin ce territoire, conquis en partie sur l’océan, porte une population laborieuse, persévérante, économe, à qui les capitaux ne manquent jamais, pourvu qu’il s’agisse d’entreprendre des œuvres utiles.

Cela étant, ce que les ingénieurs hollandais ont à faire est surtout d’assainir le sol, de régler l’écoulement des eaux, d’ouvrir à travers les marécages des voies terrestres ou fluviales d’un facile accès. L’ennemi qu’ils ont à combattre sans cesse, c’est l’eau. Les travaux hydrauliques intéressent au plus haut degré la prospérité, l’existence même de la Hollande. Le corps d’ingénieurs de l’état correspondant à celui des ponts et chaussées en France s’appelle le waterstaat, service des eaux. Les hommes dont il se compose, recrutés à l’école polytechnique de Delft, se sont acquis une réputation méritée par les beaux ouvrages qu’ils ont exécutés en ces derniers temps. Montrons par quelques exemples en quoi consistent leurs œuvres.

Les embouchures de l’Escaut et de la Meuse font du midi des Pays-Bas, entre Anvers et Amsterdam, une sorte d’archipel où sont bâties les principales villes du royaume et les cités les plus commerçantes. Entre ces centres de population, les canaux et les rivières ont toujours été le