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L'INDUSTRIE PASTRALE
DANS
LES PAMPAS DE L'AMERIQUE DU SUD

On s’imagine généralement que les pampas sont de vastes déserts verdoyans où la nature a prodigué des pâturages de toute sorte, les peuplant de ruminans et de chevaux qui vivent encore aujourd’hui à l’état sauvage, et fournissent sans frais et sans travail de nombreux produits à l’industrie humaine. Ces idées erronées, trop répandues, seraient une source de déceptions pour celui qui, sur la foi de pareilles assertions, songerait à tenter l’élevage dans la pampa. L’animal sauvage, cheval, bête à cornes ou bête à laine, n’existe pas et n’a jamais existé dans l’Amérique du Sud ; toutes les races que l’on y trouve aujourd’hui y ont été importées par les Espagnols à l’époque de la conquête de ces pays, et, si elles se sont développées et multipliées dans des proportions considérables, ce n’est ni sans travail ni sans longs efforts. Non-seulement il a fallu à l’origine les acclimater et les entourer de plus de soins qu’on ne l’eut fait en Europe, mais encore, pour ainsi dire, dompter la pampa ; l’animal lui-même a dû faire sortir du sol en le labourant de son pied les riches graminées, alors inconnues, dont il tire aujourd’hui sa nourriture. Le travail de la transformation du sol et de ses produits a été aussi lent et aussi coûteux qu’il est productif, et des générations entières d’animaux ont été sacrifiées pour préparer à leurs successeurs la vie paisible dont ils jouissent depuis dans ces régions. Ce travail est d’autant plus facile à étudier qu’après trois siècles il est loin d’être terminé, et qu’il reste encore à conquérir de la même manière 18,000 lieues carrées de pampas dans la seule province de Buenos-Ayres. Raconter cette lente conquête, faire connaître les soins que demandent les