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commanderie avec obligation d’importer des quantités déterminées d’animaux reproducteurs.

Lorsque commença ce mouvement, le cheval avait pris pied dans le pays depuis un siècle, il pouvait déjà aider l’homme dans l’acclimatation pénible des races européennes ; son utilité, d’avance démontrée, lui assurait une place considérable dans les préoccupations de tous les chefs d’expéditions. Les troupes de chevaux libres disséminés dans la pampa, fils de ceux qui, amenés par les premiers explorateurs, avaient été abandonnés dans les départs précipités, prouvaient aussi combien l’acclimatation en serait facile. Leur multiplication avait été si rapide qu’il y eut bientôt plus de chevaux que ne pouvaient en employer les rares habitans de la pampa. Aujourd’hui encore, après trois siècles écoulés depuis la conquête, avec un accroissement de population considérable, malgré les guerres presque continuelles qui font ici une consommation incroyable de chevaux, comme celle du Paraguay, où il en a péri plus de 400,000, malgré les abatages annuels de ces animaux que l’on immole autant pour se débarrasser du trop-plein que pour utiliser leur graisse et leur peau, le cheval, à peine surveillé, élevé en liberté ou plutôt abandonné à lui-même, suffirait aux besoins d’une population dix fois plus considérable, en abusât-elle, comme elle l’a toujours fait pour tous les usages.

La race introduite par les Espagnols est la race andalouse. Ce cheval petit, aux jambes fines, au cou court, assez semblable au cheval arabe, ne s’est pas perfectionné dans la pampa ; sa nouvelle existence ne lui a donné ni fait perdre aucune qualité, et n’a fait que modifier ses habitudes. La nourriture de rencontre, les intempéries, les vents, que rien n’arrête, ni arbres, ni montagnes, qui soufflent toujours avec violence, du cap Horn en hiver, de l’équateur en été, enfin la vie pénible qui lui est faite, ont par la sélection naturelle constitué une race rude, nerveuse, résistante ; on voit de ces chevaux faire sans peine des courses de 20, 30 et même 40 lieues dans une journée, et si le soir, après cette longue étape, on arrive dans une région désolée par un fléau quelconque, où la sécheresse et la sauterelle ont tout détruit, ne laissant sur le sol qu’une poussière noire, ils passent la nuit sans prendre absolument aucune nourriture, pour repartir le lendemain et faire un trajet semblable. Ces expéditions sont fréquentes, et cette disette n’est pas rare, grâce à l’imprévoyance systématique des habitans, dont aucun n’a pour son cheval cette sollicitude méticuleuse, ni cette affection légendaire que nous prêtons volontiers aux cavaliers de tous les temps et de tous les pays. Le cheval, au retour d’un de ces longs voyages aussi bien que d’une promenade, est dessellé et