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et qui connaissent le mieux les faits constatés par l’observation et par la statistique, comme MM. Cliffe Leslie et Thornton ; en Italie, c’est tout un groupe d’écrivains distingués, Luzzatti, Forti, Lampertico, Cusmano, A. Morelli, qui ont exposé leurs idées dans un congrès réuni l’an dernier à Milan, et qui ont pour organe le Giornale degli Economisti. En Danemark, c’est l’excellent recueil économique, le Nationaloekonomisk Tidskrift, publié par MM. Frederiksen, V. Falbe, Hansen et Wil. Scharling. On ne peut donc le contester, il s’agit cette fois d’une évolution scientifique très sérieuse, qui appelle un examen attentif. Nous essaierons d’abord d’exposer l’origine et le caractère de ces tendances nouvelles de l’économie politique ; nous étudierons ensuite les écrits de quelques-uns des auteurs qui représentent le mieux les différentes nuances de ce mouvement, ainsi que ceux des socialistes qu’ils se donnent la mission de combattre.


I

L’économie politique nouvelle comprend autrement que l’ancienne le fondement, la méthode, la mission et les conclusions de la science. Le point de départ des Katheder-socialisten est entièrement différent de celui des économistes orthodoxes qu’ils désignent sous le nom de Manchesterthum ou secte de Manchester, parce que c’est en effet l’école des libres échangistes qui a exposé avec le plus de logique les dogmes du credo ancien. Voyons comment les nouveaux économistes exposent eux-mêmes les points qui les séparent de la doctrine généralement reçue[1].

Adam Smith et surtout ses successeurs, comme Ricardo, Macculoch, J.-B. Say et toute l’école dite anglaise, suivaient la méthode déductive. On partait de certaines vues sur l’homme et sur la nature, et on en déduisait les conséquences. Rossi caractérise nettement cette méthode quand il dit : « L’économie politique envisagée dans ce qu’elle a de général est plutôt une science de raison qu’une science d’oljservation[2]. Elle a pour but la connaissance réfléchie des rapports qui découlent de la nature des choses… Elle recherche des lois en se fondant sur les faits généraux et constans de la

  1. Nous suivrons principalement ici Adolf Held, Ueher den gegenwärtigen Principienstreit in der National-œkonomie, — Gustav Schönberg, de Volkswirthschaftslehre, — Gustav Schmoller, Ueber einige Grundfragen des Rechts und der Volkswirthschaft, — Contzen, Die Aufgabe der Volkswirthschaftlehre, — Wagner, Die Sociale Frage, — L. Luzzatti, Die national-œkonomischen Schulen Italiens und ihre Controversen.
  2. Cours d’économie politique, deuxième leçon, année 1836.