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à merveille l’agitation produite à cette époque dans le public par les phases imprévues des grands débats qui se livraient au parlement. « Il se passera bien du temps, disait à Ch. Greville son ami Vesey Fitz-Gerald, alors membre du cabinet, avant que tous les incidens et toutes les difficultés de l’affaire soient suffisamment connus, et quand ils le seront, on verra combien les difficultés furent grandes et combien les incidens en ont été curieux. » Il semble que Ch. Greville ait pris à tâche de répondre à l’attente du ministre en puisant à toutes les sources d’informations, et en cultivant l’intimité des hommes qui pouvaient le mieux le tenir au courant des mouvemens de la politique.

Non-seulement Ch. Greville rencontrait de merveilleuses facilités pour apprendre de ses amis politiques tout ce qu’il lui importait de savoir pour satisfaire un esprit aussi pénétrant que le sien, mais il trouvait également l’occasion d’exercer du côté de la cour son rare talent d’observation. C’est pourquoi cette portion de son journal abonde en scènes curieuses. On lui a reproché d’avoir, en dévoilant les secrets de ces hautes régions, abusé de la confiance dont on y faisait preuve à son égard. Il semble au contraire que le roi George IV n’ait jamais témoigné à Greville qu’une bienveillance banale, et les secrets trahis ne sont, à vrai dire, que ceux connus de tout l’entourage. Greville a puisé ses renseignemens aux sources les plus diverses, depuis les conversations du duc de Wellington jusqu’aux récits du vieux valet de chambre Batchelor. Il tient de la bouche du jeune lord Mount Charles, fils de lady Conyngham, des détails authentiques, mais qui ont déjà circulé parmi les familiers de la cour. Personne ne pouvait ignorer que lady Conyngham occupait auprès du monarque la place de l’épouse répudiée, et cela sans aucun mystère, sans que George IV prît soin de dissimuler le crédit de la favorite ou les dons qu’il lui faisait des plus riches joyaux, de ceux même qui étaient un héritage de famille, et des saphirs qui avaient jadis appartenu aux Stuarts. Greville n’a donc fait que nous rendre au vrai la chronique d’une époque et nous montrer à nu le caractère de George IV, mélange de faiblesse et de despotisme, recouvert toutefois d’une certaine bonne grâce extérieure. Cette belle apparence qui distinguait le roi (his fine deportment, comme le dit de lui le pauvre maître de danse d’un roman de Dickens), ne perdait son prestige que sur ceux qui, le voyant de trop près, pouvaient apprécier les conséquences de son égoïsme, la bizarrerie de ses caprices et l’étroitesse de son esprit. A l’égard de ses anciens serviteurs, il passait, sans motif, du plus fol engouement à la haine la plus violente. C’est ainsi qu’il en avait agi avec sir William Knighton, son médecin, devenu son trésorier, qu’il prenait plaisir à