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l’espèce unique révélera le type d’une classe tout aussi sûrement que le groupe représenté par des milliers d’espèces. C’est la preuve que les groupes supérieurs n’ont pas dans la nature une existence moins réelle que les espèces. Une telle conviction porte à la plus scrupuleuse conscience dans la recherche comme dans l’interprétation des faits. Aux yeux d’Agassiz, « les orgueilleux philosophes, croyant inventer des systèmes zoologiques par la seule force de la raison, ne font que suivre humblement, que reproduire à l’aide d’expressions imparfaites le plan dont les fondemens furent jetés à l’origine des choses. » C’est la pensée de la plupart des investigateurs qui étudient laborieusement les êtres sans autre dessein que de connaître la vérité.

Répondant à l’idée que l’action des causes physiques a pu faire naître les corps organisés, le célèbre naturaliste montre dans la petite mare ou sur le coin de terre l’étonnante diversité de plantes et d’animaux. Les limites de l’habitation de ces êtres étant supposées très étroites à l’origine, les conditions de la vie sont uniformes ; il faut donc croire que les mêmes causes physiques ont produit les effets les plus variés. Admettant au contraire que ces organismes se sont manifestés tout à coup sur un vaste espace, les influences physiques ne sembleront-elles pas n’avoir rien eu d’assez spécifique pour justifier l’hypothèse qu’elles sont la cause de l’apparition d’êtres aussi différemment construits ? Pendant une longue période, la terre fut déserte, et, remarque Agassiz, la constitution matérielle du globe et les forces physiques semblables à celles d’aujourd’hui étaient impuissantes à produire un être vivant. Sachez donc des plus habiles physiciens, dira encore l’auteur des recherches sur les glaciers, s’il est admissible que les forces physiques aient produit à une époque ce qu’elles ne peuvent produire dans un autre temps, et s’il est croyable qu’elles aient causé l’apparition des êtres. Après avoir constaté la diversité des plantes et des animaux qui vivent aux mêmes lieux et subissent les mêmes influences, reconnu des types identiques dans les conditions les plus variées, il ne saurait douter combien à l’origine les êtres sont indépendans des milieux.

Une immense conquête de la science de notre siècle, c’est la reconnaissance de l’unité de plan de types fort divers. « D’un pôle à l’autre, s’écrie Agassiz, sous tous les méridiens, les mammifères, les oiseaux, les reptiles, les poissons, révèlent le même plan de structure. Ce plan dénote des conceptions abstraites de l’ordre le plus élevé ; il dépasse de bien loin les plus vastes généralisations de l’esprit humain ; il a fallu les recherches les plus laborieuses pour que l’homme parvînt seulement à s’en faire une idée. » Articulés, mollusques et zoophytes présentent d’autres plans non moins merveilleux ; partout l’infinie variété dans l’unité. Il y a tous les degrés