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travers les âges du monde des faunes entières ont disparu pour être remplacées par d’autres faunes, a vu se dévoiler de nouveaux horizons maintenant que pleins de vie on a tiré des abîmes des types supposés éteints depuis des myriades d’années ; il s’embarquera nourrissant des espérances presque folles. En imagination, il se figure qu’à ses yeux vont apparaître dans tout l’éclat de la vie les plus singulières formes animales dont les restes gisent dans les anciennes couches de la terre. Au moment du départ, avec une véritable candeur, l’intrépide naturaliste annonce en tous lieux les récompenses qu’il attend de sa peine[1] : noble enthousiasme bien propre à l’accomplissement de grandes choses !

Dans la campagne autour de l’Amérique, si Agassiz n’a pas fait toutes les merveilleuses trouvailles qu’il regardait comme probables, il a réuni une infinité d’objets fort instructifs à différens égards[2]. Quelques-unes de ses prévisions se réaliseront sans doute par la suite ; l’espace que la drague parvient à racler n’est pas considérable à côté de l’étendue des mers ; il faudra bien des explorations avant qu’on soit assuré de la présence ou de l’absence de certaines formes animales au fond des océans. Ce qui est encourageant, c’est que toute investigation des abîmes procure des connaissances du plus haut intérêt[3].

Agassiz ne tarda point à s’abandonner à une nouvelle préoccupation. Il avait dressé le plan d’un bel établissement au bord de la mer pour les études sur la vie des animaux marins. Le projet fut présenté à la législature du Massachusetts, dont l’assistance semblait nécessaire. Ce projet connu du public par la voie de la presse, tout aussitôt par le télégraphe M. John Anderson, de Boston, engagea le professeur de Cambridge à ne pas continuer les démarches jusqu’au moment où il recevrait de sa part une information précise. Peu de jours après, M. Anderson annonçait au célèbre naturaliste que, prenant un intérêt extrême à ses efforts constans pour introduire la science dans l’éducation, il lui offrait, à titre de don, une île charmante de la baie de Buzzard[4]. Cette île, d’une centaine d’acres de superficie, connue sous le nom de Penikese, fait partie de l’archipel Elisabeth ; elle a plusieurs sources d’eau fraîche

  1. Par une lettre adressée à M. B. Peire, qui fut imprimée et envoyée à tous les savans.
  2. Des objets recueillis par Agassiz pendant l’expédition du Hassler ont déjà été décrits par MM. Alexandre Agassiz et Théodore Lyman dans le Bulletin du collège Harvard.
  3. Plusieurs notables découvertes faites par l’expédition anglaise du Challenger sont maintenant connues.
  4. À ce don, M. John Anderson ajoutait celui d’une somme importante pour faire toutes les installations convenables.