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L’avenir de notre grand réseau est assuré, si l’on reste fidèle aux principes qui ont établi les rapports actuels entre l’état et les compagnies, car le système que nous avons développé donne au crédit de ces compagnies la base la plus forte et la plus inébranlable. Il faut seulement que ces grands principes se défendent courageusement, qu’ils n’aient pas l’air honteux d’eux-mêmes : il faut qu’on oppose résolument l’intérêt national aux intérêts privés. Les compagnies ont sans mot dire subi les charges nouvelles que la condition financière de la France leur a imposées, et dont quelques-unes peuvent être regardées comme une violation à leur détriment des conventions qu’elles avaient faites avec l’état. L’impôt sur les valeurs mobilières, qui frappe jusqu’à la prime de remboursement des obligations, l’impôt sur la petite vitesse, sont des charges qu’elles ont subies sans murmurer ; elles ont le droit de n’être pas traitées comme des corporations égoïstes et avides. Elles sont devenues en réalité les fermières de l’état, et quel est le propriétaire qui a intérêt à ruiner son fermier ? Si rien ne vient troubler gravement l’heureuse harmonie de l’état et des compagnies, on peut pousser vigoureusement la construction des chemins de fer : les capitaux français, qui ont montré au moment de l’émission de nos grands emprunts un patriotisme si intelligent, faciliteront la tâche des compagnies et leur permettront d’achever promptement leur grand ouvrage. Les compagnies se sentiront pressées non-seulement par l’état, mais par le flux de l’épargne nationale. Le mouvement qui se produit dans tous les départemens en faveur des lignes nouvelles est la marque que le pays est en quelque sorte en travail : c’est aux chambres françaises de rendre cette activité féconde en maintenant, en perfectionnant le système actuel, en ne s’en laissant pas distraire ; elles régleront ainsi l’emploi de la richesse publique et lui ouvriront des lits réguliers, au lieu de la laisser se perdre dans les sables de la spéculation.


AUGUSTE LAUGEL.