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de s’attacher également l’Italie souterraine, celle qui grondait dans les bas-fonds de la jeune monarchie, et le général La Marmora se plaint à plusieurs reprises, dans son livre si intéressant, « des relations intimes et cordiales que le ministre de Prusse à Florence, le comte Usedom, entretenait avec quelques membres du parti de l’action, » et dont il ne suivait que trop souvent les malencontreux avis. De son côté, le consul de Prusse à Bukharest tenait en main (février 1866) le fil d’une conspiration qui devait amener la chute du prince Couza et ménager un appoint considérable à l’action du gouvernement de Berlin. « Le libéralisme est un enfantillage qu’il est facile de mettre à la raison ; mais la révolution est une force dont il faut savoir se servir, » avait dit un jour à Paris le chevalier de la Marche, et il ne tarda pas à prouver les deux vérités de son aphorisme. On sait que ses rapports avec Mazzini furent continués longtemps même après Sadowa[1], et les engagemens contractés en 1866 envers la Prusse par les chefs magyars ont pesé depuis, pèsent encore à l’heure qu’il est, et beaucoup plus qu’on ne le soupçonne généralement, sur la politique extérieure de l’empire des Habsbourg. C’est aussi dans les conciliabules des hommes de la révolution européenne que fut élaboré le plan de campagne fantastique que M. d’Usedom voulut imposer au général La Marmora dans sa fameuse dépêche du 17 juin[2] ; il y recommandait de faire une guerre à fond, de tourner le quadrilatère, de longer l’Adriatique, de pénétrer en Hongrie, que soulèverait aussitôt le nom de Garibaldi : « nous frapperons ainsi l’Autriche, non aux extrémités, mais au cœur ! » Quant à l’essai de former sous les ordres du général réfugié Klapka une légion composée des déserteurs de l’armée autrichienne, le président du conseil de Prusse a bien voulu affirmer devant les chambres de Berlin, dans son discours célèbre du 16 janvier 1874, qu’il avait repoussé avec énergie tous ces projets au commencement de la guerre. « Ce n’est qu’après la bataille de Sadowa, au moment où l’empereur Napoléon III, par une dépêche télégraphique, avait fait entrevoir la possibilité de son intervention, ce n’est qu’alors, et comme un acte de légitime défense, que j’ai non pas ordonné, mais seulement toléré la formation de cette légion hongroise. » Malheureusement les dates ne sont guère d’accord avec les déclarations du chancelier actuel d’Allemagne. La bataille de Sadowa eut lieu

  1. Après la mort du grand agitateur italien, les journaux de Florence ont publié ses lettres à M. de Bismarck pendant les années 1868-1869. En prévision d’une guerre entre la France et l’Allemagne, Mazzini y suggère le plan de renverser Victor-Emmanuel, si ce dernier se faisait l’allié de l’empereur Napoléon III.
  2. Il importe de faire observer que la partie stratégique de la note d’Usedom était une copie presque littérale d’un article de Mazzini publié dans le Dovere de Gênes, du 20 mai 1866.