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est peuplée de poissons, ni à la terre, car elle donne des fruits en leur temps, et sa fécondité te bénit, ô Seigneur ! » Cette prière touchante est entendue ; Anne devient mère et consacre à Dieu son enfant. La jeune Marie, dès l’âge de trois ans, est amenée dans le temple pour y être élevée. Elle y grandit dans la pratique des exercices pieux. « Elle s’était imposé pour règle de s’appliquer à la prière depuis le matin jusqu’à la troisième heure, et de se livrer au travail manuel depuis la troisième heure jusqu’à la neuvième, et depuis la neuvième heure elle ne cessait pas de prier jusqu’à ce que l’ange du Seigneur lui eût apparu pour lui porter sa nourriture. De toutes les autres vierges plus âgées qu’elle et avec qui elle était instruite dans le service de Dieu, il ne s’en trouvait point qui fût plus exacte aux veilles, plus savante dans la loi, plus remplie d’humilité, plus habile à chanter les cantiques de David, plus charitable, plus pure de chasteté, plus parfaite en toute vertu. Tous ses discours étaient pleins de grâce, et la vérité se manifestait par sa bouche. Elle prenait chaque jour sa nourriture de la main des anges et distribuait aux pauvres les alimens qu’elle recevait de la main des prêtres. On voyait très souvent les anges s’entretenir avec elle, et ils lui obéissaient avec la plus grande déférence. Et si une personne atteinte de quelque infirmité la touchait, elle s’en retournait aussitôt guérie. » Voilà déjà les traits principaux de cette figure idéale que la dévotion passionnée du moyen âge n’a pas cessé d’embellir. Le tableau de cette enfance pieuse ne s’est jamais effacé de la mémoire des fidèles. Le mariage de Marie et les merveilles qui l’accompagnent ou le suivent ont été aussi très vite populaires dans la chrétienté ; les évangiles apocryphes, qui seuls nous les ont transmises, ont donc beaucoup servi à fonder et à répandre ce culte de la Vierge qui a pris un si grand développement dans l’église, et qui a tant fourni à l’art et à la poésie chrétienne.

Saint Joseph aussi leur doit beaucoup. Un évangile entier est consacré à raconter sa vie et surtout à décrire ses derniers momens : il n’est plus conservé aujourd’hui que dans une version arabe ; mais on reconnaît à certains indices qu’il était traduit du copte. Il a donc été composé dans cette vieille Égypte, si inquiète de l’autre vie, où les prêtres énuméraient aux fidèles effrayés la série des combats que l’âme aurait à livrer dans les régions sombres de l’Amentès, avant d’obtenir de vivre avec Osiris. Les mêmes impressions de terreur se retrouvent dans l’Histoire de Joseph le charpentier. Quand il se sent mourir, à cent onze ans, il est saisi d’épouvante, il éprouve le besoin de confesser les fautes de sa vie et s’accuse avec une rigueur impitoyable. « Malheur à ma langue et à mes lèvres, dit-il, car elles ont proféré des paroles de vanité, de