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assisté de ses deux frères, il ne craignit pas de se colleter avec des mineurs venus pour manifester tumultueusement leur indignation contre le pasteur, qui avait obtenu de l’autorité locale la fermeture des cabarets à une heure décente. Les manifestans durent se retirer penauds.

Sa famille et lui-même aimaient passionnément leur pays de Galles. C’était une famille celtiste, parlant volontiers la langue des vieux Kymris, et, bien que bons Anglais, ne ménageant pas l’expression de leurs griefs contre le système gouvernemental du royaume-uni, qu’ils accusaient de faire peser un joug oppressif sur la nation galloise. La vérité est que le pays de Galles forme en Angleterre ce qu’on pourrait appeler une individualité régionale. La nature des districts gallois et le caractère des habitans s’écartent du type anglais classique. Moins fantaisiste que l’Irlandais, presque toujours protestant de croyance, le Gallois doit probablement à son sang celtique une certaine vivacité prime-sautière, une rapidité de conception et de décision, qui le distinguent de l’Anglais pur-sang, chez qui la méthode, la réflexion, dominent. Quand nous examinons le portrait de Rowland Williams mis en tête de ses mémoires, nous découvrons une de ces figures au front bombé, aux fortes arcades sourcilières, aux lèvres minces et serrées, aux joues creusées, au menton avancé, que l’on rencontre si souvent dans nos campagnes de Normandie et de Bretagne. Rowland Williams resta toute sa vie fidèle à ses prédilections galloises. Les réclamations de ses compatriotes au sens strict trouvèrent toujours en lui un avocat zélé. Poète à ses heures, il y eut en lui quelque chose qui rappelait le barde des anciens jours. Ce n’est pas même aller trop loin que de lui attribuer certaines affinités mystérieuses d’esprit et d’intuition qui lui permirent de comprendre le prophétisme hébreu comme il n’avait pas encore été compris en Angleterre.

Il faut dire au surplus que ni à Eton ni à Cambridge, où il étudia ensuite, rien en lui ne faisait prévoir un novateur en religion. Par éducation et par goût, il était conservateur en toute chose. Il devint libéral à peu près comme tant de Français sont devenus républicains, c’est-à-dire ne pouvant faire autrement et parce que, sachant ce qu’il savait, il n’y avait plus moyen pour lui d’être autre chose sans entrer en lutte ouverte avec l’évidence. Toutefois chacun des pas qu’il fit dans le sens de l’émancipation lui coûta un mental struggle, une lutte intérieure. Dans sa jeunesse, sans avoir encore de parti bien pris, il inclinait plutôt vers la haute-église et même vers un puséisme prudent. Ses idées commencèrent à prendre une direction nouvelle à la suite des voyages qu’il fit sur le continent dans le double intérêt de son instruction et de sa santé. De 1839 à 1841, il visita la France, la Suisse et l’Italie. Ses impressions de voyage,