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hindou de l’esprit chrétien, c’est cette réforme indigène connue sous le nom de brahmo somav, sorte de théisme unitaire qui s’inspire de la Bible et du Christ, mais qui n’entend pas pour cela proscrire les Védas, et qui se montre bien trop rationaliste pour trouver grâce auprès de notre orthodoxie d’Europe.

Ce sont des expériences et des raisons de ce genre qui, du fond du Bengale où il résidait alors, décidèrent M. Muir à offrir à l’université de Cambridge un prix de 500 livres sterling destiné à l’auteur de la meilleure réfutation de l’hindouisme en tant que religion. Le donataire indiquait lui-même dans une lettre fort remarquable les exigences auxquelles les concurrens étaient tenus de satisfaire. Ils devaient d’abord bien connaître la religion qu’il s’agissait de combattre, se garder de toute appréciation passionnée, avoir égard aux habitudes mentales des Hindous et prouver la supériorité du christianisme par la méthode comparative, loyalement, pacifiquement, et non par ces attaques à fond de train, trop habituelles dans les discussions religieuses, et qui n’ont d’autre efficacité que de révolter tout d’abord ceux qu’on aspire à convaincre.

Tel fut le problème dont Rowland Williams ne craignit pas de chercher la solution. D’après le programme du concours, les compétiteurs devaient soumettre à leurs juges un premier essai indiquant le plan, les idées fondamentales, la méthode, l’idée générale de l’ouvrage demandé. C’est une excellente manière de procéder, et que nous recommandons à tous ceux qui proposent des prix de ce genre. Celui qui sortirait victorieux de cette première épreuve recevrait 100 livres sterling d’à-compte, le surplus de la somme promise devant lui être alloué après la publication de l’œuvre définitive. Cela permettait en même temps au donataire et aux juges du concours de correspondre avec le lauréat désormais connu et de lui signaler les complémens ou les rectifications désirables. Rowland Williams remporta le prix et dut à ce brillant succès d’entrer en rapport suivi avec M. Muir, revenu en Angleterre, et de contracter avec lui des liens d’amitié qui les honorèrent tous deux. L’ouvrage parut sous le titre de Christianity and Hinduism. Il est rédigé sous forme de dialogue. Un savant bouddhiste commence par l’exposition de sa foi religieuse. du sage hindou de l’école de Sankhya lui oppose une métaphysique aboutissant à un rationalisme assez plat, Survient un védantiste fervent qui en appelle aux Védas comme à l’autorité suprême et qui réclame pour sa religion les privilèges de la plus immédiate et de la plus sûre des révélations. Il est rembarré par un matérialiste hindou qui dirige contre les trois interlocuteurs une série d’argumens moitié indigènes, moitié européens. Là-dessus un jeune chrétien se prononce contre les négations du matérialiste, de manière à se concilier les sympathies des trois premiers ; mais il