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la mythologie dogmatique du XVIIe siècle, trop religieux de sentimens et de besoins pour s’isoler de toute société religieuse, trop Anglais pour ne pas se sentir au fond du cœur un faible que rien ne peut leur enlever pour leur dear old mother church, qui a si souvent combattu, souffert, triomphé avec la patrie. Le progrès de l’instruction générale est son allié. Les excentricités des revivalistes aussi bien que les raffinemens ridicules du ritualisme poussent de son côté bien des gens qui ne peuvent se décider à prendre des spasmes pour des signes de conversion, des broderies et des cierges pour des moyens de gagner le ciel. Non-seulement dans le clergé, mais encore et peut-être surtout dans la presse, au parlement, dans la littérature, l’influence de cette tendance libérale est déjà très grande. Il serait donc imprudent de nier ses chances de succès définitif et complet.

D’un autre côté, il est des esprits pessimistes qui refusent de croire à ce triomphe. Il est trop tard, disent-ils, et la broad church n’arrivera pas à temps pour prévenir la dislocation de l’église anglicane. Cette église est un compromis, et tout compromis est de nature provisoire. Dissoute à la fois par la dissidence et par ses querelles intestines, elle succombera sous le principe de la séparation de l’église et de l’état. Il n’en restera que des fragmens qui respectivement iront rejoindre celles des sectes dissidentes dont ils se rapprochent le plus. Le morcellement religieux de l’Amérique du Nord succédera au régime de l’église établie, et il ne pourra plus être question d’une grande institution nationale, mère naturelle de tous les enfans nés sur le sol anglais ; mais, quand même son existence se prolongerait longtemps encore, elle ne pourra jamais, enchaînée qu’elle est par ses constitutions et les précédens, se transformer au point de devenir l’église peu dogmatique, savante et tolérante rêvée par les partisans de la tendance libérale. Ils n’ont pas même pu jusqu’à présent obtenir qu’on cessât de lire du haut des chaires plusieurs fois dans l’année ce défi au bon sens et à la sagesse divine qui s’appelle le symbole d’Athanase, ce chapelet monotone dont chaque grain est une contradiction monstrueuse, et que la plupart de ceux qui le lisent regardent comme un très fâcheux appendice de la liturgie anglicane. Que sera-ce donc, lorsqu’ils voudront faire en avant des pas plus importans que cette réforme minuscule ! Les hommes de la broad church eux-mêmes sont-ils aussi dégagés qu’ils s’en flattent des préjugés et des étroitesses de l’anglicanisme ? Comment expliquer par exemple le singulier dédain que beaucoup d’entre eux professent pour les unitaires, dont ils ne sont plus séparés en réalité que par les formes liturgiques ? Pourtant, on ne peut le contester, si le