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moyen de se préserver de l’extermination, s’ils eussent été animés du belliqueux esprit des Arabes ? Intrépides comme leurs ancêtres bibliques, les descendans des Macchabées avaient depuis longtemps disparu de l’Afrique et peut-être de la surface du globe.

Ce fut pour nous une bonne fortune, en débarquant sur le sol algérien, d’y rencontrer cette population, qui, pénétrée des avantages qu’elle retirerait de notre domination, mit tout son zèle à nous servir. Ils procurèrent aussitôt des fournisseurs à nos régimens, des guides, des interprètes, et quelquefois des négociateurs à nos généraux. C’est ainsi que le nom de Lasry ne se sépare pas de nos annales militaires dans la province d’Oran. Ils gagnèrent à la conquête française leur émancipation, l’égalité devant la loi, la sécurité, un accroissement consécutif de richesses et d’importance. Par là ils furent appelés à rendre plus de services encore que par le passé aux Arabes, que notre victoire a notoirement appauvris, au lieu d’améliorer leur sort. En se multipliant par suite de l’extension des transactions, les rapports des deux races se sont sous notre surveillance adoucis et resserrés. L’Arabe méprise toujours la timidité du Juif et jalouse sa fortune : mais il ne lui conteste plus sa place légitime dans une société où il apporte de si nombreux élémens de conservation et de prospérité.

De notre côté, nous n’avions à redouter ni danger ni inconvénient de l’assimilation de ce groupe. Les Français d’origine formant toujours l’immense majorité du corps électoral en Algérie, la place publique devait recevoir plusieurs milliers d’électeurs nouveaux, sans que leur inexpérience politique menaçât l’ordre établi. Le péril social écarté, les circonstances étaient telles que les israélites ne pouvaient faire l’apprentissage de la vie politique dans des conditions plus favorables. Leur modération a bien paru d’ailleurs aux élections : à Alger, ils ont, avec Mgr Lavigerie, soutenu M. Crémieux, et à Constantine, M. Lucet contre des candidats plus avancés. — Le décret qui les naturalisait a donc été un acte utile à l’Algérie, qui ne blessait aucun intérêt respectable, et dont il n’est résulté aucun malheur. Cette mesure paraît du reste désormais acquise, puisqu’il n’est pas question de mettre la proposition faite en vue de l’abroger à l’ordre du jour de l’assemblée nationale.


II. — INDIGENES MUSULMANS.

Malgré les stipulations de la capitulation d’Alger garantissant « leurs propriétés » aux habitans, nous avons été amenés à appliquer les usages de la conquête antique, qui ne se bornait pas à opérer politiquement l’annexion des états vaincus, mais prenait une